Après les BRICS, quels autres pays prometteurs ?

Résumé :

- Le processus de convergence des pays émergents vers les pays avancés se veut long et semé d’embuches. Selon Erik Orsenna, les raisons de révoltes et de blocages dans les pays émergents sont de plusieurs natures : les infrastructures, l’environnement, le modèle social, la gouvernance et la culture.

- Selon Yves Zlotowski, le ralentissement des pays émergents qui s’installe est dû à une forte contrainte d’offre, qui entraine une forte dégradation des comptes courants. Toutefois, les pays émergents sont aujourd’hui beaucoup plus solides financièrement, pour deux raisons : (1) les politiques monétaires sont réactives et (2) l’endettement externe n’est plus celui de l’Etat et des banques (acteurs systémiques) mais celui des entreprises.

- Même si le consensus table sur une croissance mondiale soutenue par les pays avancés en 2014, selon Jean-Claude Trichet, « nous dépendons beaucoup du dynamisme des pays émergents ». En effet l’Asie émergente et l’Amérique Latine recèlent de sources de croissance.

Les différentes raisons des révoltes et blocages dans les pays émergents

En préambule de la table ronde consacrée aux pays émergents, Erik Orsenna, économiste, écrivain et membre de l’Académie française a énuméré cinq raisons de révoltes et de blocage dans ces pays, sans les hiérarchiser :

  1. Les infrastructures : « les transports tissent l’espace ». Le manque d’infrastructures dans les pays émergents rend difficile le commerce entre ces pays. C’est pourquoi le commerce se fait davantage Nord-Sud que Sud-Sud ou même Ouest-Est. L’enclavement de certains pays émergents, notamment en Afrique, rend le manque d’infrastructures encore plus dommageable.
  2. L’environnement : la rareté de l’eau est une contrainte centrale. Cependant, cette rareté n’est pas toujours opiniâtre, elle est parfois paresseuse car due à un manque d’investissement (processus de dessalaison, construction de canaux d’irrigation, etc.). La qualité de l’air devient un enjeu majeur, notamment dans les grandes villes de Chine où l’air est difficilement respirable plusieurs mois par an.
  3. Le modèle social : les pays émergents doivent recentrer leur modèle de croissance sur la consommation domestique et ceci passe par l’émancipation d’une véritable classe moyenne ayant une forte propension à consommer.
  4. La gouvernance : l’exemple de l’Afrique est très évocateur des problèmes de gouvernance que rencontrent les pays émergents. La corruption, la qualité plus que discutable de l’Etat de droit ou encore le fort taux de criminalité rendent effectivement difficile la prospérité d’un vrai secteur privé.
  5. La culture : la place de la femme dans les pays émergents progresse mais il subsiste encore plusieurs ombres au tableau. En effet, l’accès des femmes aux études est faible et le nombre d’enfants par femme est parfois très élevé, trop élevé au regard des emplois à pourvoir dans ces pays.

Pays émergents : un ralentissement lié à des contraintes d’offre

Selon Yves Zlotowski, économiste en chef de COFACE, le ralentissement des pays émergents qui s’installe est principalement dû à une forte contrainte d’offre. En effet, si la consommation reste relativement dynamique, c’est l’investissement qui a fortement ralenti (de +12 % avant la crise à +3 % aujourd’hui). Cette contrainte sur l’offre entraine une forte dégradation des comptes courants, particulièrement visible pour un groupe de pays désormais appelé les « cinq fragiles » (Brésil, Inde, Indonésie, Afrique du Sud et Turquie). Toutefois, selon Yves Zlotowski, la situation diffère fortement de celle qui prévalait dans les années 1990 au moment de la vague de crises économiques dans les émergents.

Aujourd’hui les pays émergents sont beaucoup plus solides financièrement, pour deux raisons : (1) les politiques monétaires sont réactives (les BC augmentent les taux) et (2) l’endettement externe n’est plus celui de l’Etat et des banques (acteurs systémiques) mais celui des entreprises. En conséquence, même si le risque systémique semble écarté (atterrissage brutal de la Chine, endettement élevé des Etats et des banques), le risque idiosyncratique doit être de nouveau appréhendé de manière classique. A ce titre, huit pays sont à surveiller de près cette année : Brésil, Turquie, Tunisie, Maroc, Egypte, Roumanie, Hongrie et Afrique du Sud. Les devises de ces pays émergents ont déjà été malmenées en 2013 et les turbulences devraient continuer en 2014.

De plus, certains grands pays émergents connaissent des problèmes d’ordre structurel : la hausse du coût du travail, notamment en Chine, la pénurie de main d’œuvre qualifiée ou encore les problèmes de gouvernance source d’inquiétudes pour les investisseurs des pays avancés. Par ailleurs, 2014 est une année riche en élections dans les pays émergents et les tensions politiques dans certains de ces pays apparaissent comme un enjeu majeur pour cette année. Seront à surveiller de près les élections au Brésil, en Inde, en Turquie en Afrique du Sud ou encore en Argentine.

Après les BRICS, quels autres pays prometteurs ?

La table ronde qui s’est réunie autour de cette question a fait ressortir plusieurs faits saillants. Globalement, tous les intervenants ont souligné les efforts à faire en termes d’infrastructures dans l’ensemble des pays émergents.

Pour Munir Jalil, économiste en chef de Citibank pour la région des Andes, la Colombie et le Pérou ont un fort potentiel de croissance (de rattrapage) par rapport aux standards des économies d’Amérique Latine. De plus, ces deux pays peuvent se targuer d’avoir une croissance saine, basée principalement sur la consommation domestique.

Selon David Carbon, économiste en chef de DBS Bank, l’Asie a une demande domestique en forte croissance : « l’Asie compte une nouvelle France dans son paysage tous les deux ans et demie ». De plus, les pays émergents ont de fortes marges de manœuvre pour augmenter leur déficit au contraire des pays développés qui ont tout intérêt à accroitre leur surplus, ce qui n’est pas encore le cas ni pour les premiers ni pour les seconds.

Pour François Heisbourg, conseiller spécial pour le président de la Fondation pour la recherche stratégique, « certains pays font leur mai 68 ». C’est le cas de la Thaïlande, de la Turquie, de l’Ukraine ou encore de l’Indonésie.

Enfin, 2014 est une grande année électorale dans beaucoup de pays émergents. Pour certains (Brésil, Colombie), cela devrait bien se passer mais pour d’autres (Indonésie, Inde), des heurts sont à attendre avant, pendant et après les élections.

Julien Moussavi et Samuel Delepierre

References

S. Delepierre (2013), « Croissance et richesse mondiale : le grand rééquilibrage », BSI Economics.

M. Ferry (2014), « Les entreprises africaines c’est maintenant » , BSI Economics.

S. Ganem (2013),  “Another BRIC in the Wall” , BSI Economics.

C. Keddi (2013), « De quelles couleurs sont les signaux envoyés par l’Algérie ? », BSI Economics.

L. Lizarzaburu (2014),  « Pérou : un nouveau modèle de commerce équitable », BSI Economics.

J. Moussavi (2013), « Quand la Fed éternue, les pays émergents s’enrhument ! » BSI Economics

BSI Economics est un think tank de réflexion sur l'économie et la finance, créé en 2012, qui contribue à ouvrir et améliorer les débats en mettant au service des décideurs et des citoyens des réflexions indépendantes sur les nouvelles tendances économiques et financières.

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