L’impact économique global de la violence

Résumé:

- L’impact économique global de la violence est évalué grâce au Global Peace Index (GPI) depuis 2007, qui est un indicateur qui classe 162 nations selon leur état respectif de paix.

- Entre 2008 et 2013 toutes les régions du monde ont vu leur situation de paix se dégrader ce qui s’est traduit par une détérioration de 5% du Global Peace Index

- En 2012 le Global Peace Index a établi le coût global économique de la violence à 11% du PIB mondial

- D’après les estimations de l’Institute for Economics and Peace (IEP) une réduction de 50% des dépenses liées à l’endiguement de la violence fournirait les fonds nécessaires pour rembourser la dette des pays en développement ou pour financer le Mécanisme Européen de Stabilité Financière

Le 12 juin 2013 se tenait, au siège des Nations Unies, la conférence « Pas de Développement sans Paix: poser les bases de mesures de la paix dans le programme de développement pour l’après 2015 ». Au vu du contexte mondial actuel : conflits civils en Syrie, révoltes européennes suite à la crise de la dette et plus récemment les protestations en Turquie et au Brésil, le maintient de la paix et le contrôle de la violence sont des défis majeurs dans l’élaboration du programme de développement des Nations Unies pour l’après 2015.

En juin 2013 a été publiée la 7èmeédition du Global Peace Index (GPI) qui classe162 nations selon leur niveau de paix respectif entre 2008 et 2013. A travers cette analyse globale, le concept de « paix » se définit comme le niveau  d’harmonie atteint dans une société grâce à l’absence de guerres, conflits, violences ou menaces de violence. Ainsi les nations n’étant pas impliquées dans un conflit avec des Etats voisins, dans des guerres civiles ou en proie à des manifestations violentes, sont considérées comme en  « état de paix ».

1. Définition et construction du GPI

Le Global Peace Index fondé par Steve Killelea, ingénieur et philanthrope australien, est produit par l’Institute for Economics and Peace, un groupe de réflexion qui analyse le lien entre développement économique et paix. La construction du GPI et les données sur lesquels il s’appuie sont collectées par The Economist Intelligence Unit.

Le GPI est un indicateur composite qui comprend 22 indicateurs quantitatifs et qualitatifs englobant trois aspects principaux à savoir le niveau de protection et de sécurité dans une société, l’étendue des conflits au niveau national et international et le degré de militarisation. Il a pour vocation de déterminer dans quelle mesure les pays sont impliqués dans des conflits au niveau national et/ou international. Il évalue également le niveau d’harmonie ou de discorde présent au sein d’une nation. Les signes d’une situation de paix se traduisent par un faible taux de criminalité, d’activités terroristes, de manifestations violentes et de conflits avec les pays voisins mais s’accompagne aussi d’une situation politique stable et d’une faible proportion de personnes déplacées ou réfugiées.

Le GPI explore également le concept de paix positive reposant sur l’idée qu’une culture promouvant la paix est basée sur le respect des droits de l’Homme, l’égalité des sexes, la participation démocratique, une société tolérante, la liberté d’expression et la sécurité internationale.

Ces indicateurs ont été sélectionnés initialement en 2007 par un panel international d’experts indépendants et font l’objet de révision annuelle. Les scores de chaque indicateur sont normalisés sur une échelle établie de 1 à 5, du niveau le plus faible à celui le plus élevé. Le GPI se compose de deux groupes d’indicateurs: un indicateur de paix interne et un indicateur de paix externe qui fournissent respectivement une mesure du niveau de paix à l’intérieur et à l’extérieur des frontières du pays.

Le tableau ci-dessous présente la liste des 22 indicateurs compris dans le GPI:

Global Peace Index

Indicateurs de Paix Interne

Indicateurs de paix externe

Niveau perçu de criminalité dans la société

Dépenses militaires (% PIB)

Nombre de policiers et d'agents des forces de sécurité intérieure

Effectif des services des forces armées

Nombre d'homicides pour 100 mille personnes

Contribution financière à la mission de paix des Nations Unies

Nombre d'individus incarcérés pour 100 mille personnes

Capacités d'armes lourdes nucléaires

Facilité d'accès aux armes légères et de petits calibres

Volume des transferts d'armes classiques, en tant que fournisseurs (exports) pour 100 mille personnes

Niveau de conflit civil organisé (Interne)

Nombre de réfugiés et de personnes déplacées (% de la population)

Probabilité de manifestations violentes

Relations avec les pays voisins

Niveau de crimes violents

Nombre de conflits externes et internes

Instabilité Politique

Nombre de morts liés aux conflits organisés (Externe)

Echelle de la terreur politique

Volume des transferts d'armes classiques, en tant que destinataires (imports) pour 100 mille personnes

Activités Terroristes

Nombres de  morts liés au conflit organisé (Interne)

Parmi les indicateurs qualitatifs qui mesurent le niveau de paix interne, l’IEP tâche de prendre en compte les dimensions sociales et politiques qui contribuent à l’absence, l’existence ou la menace de violence. A titre d’illustration,  l’indicateur de probabilité de manifestations violentes détermine si les protestations violentes ou les troubles sociaux constituent une menace à la propriété ou à la bonne marche des activités économiques du pays sur les deux années qui suivent les manifestations. De même l’indicateur d’instabilité politique englobe cinq différents sous-indicateurs relatifs aux troubles sociaux,  aux transferts du pouvoir, à l’opposition vis-à-vis du pouvoir en place, à l’excès de pouvoir exécutif et aux tensions internationales.

L’analyse repose sur l’hypothèse que plus un pays est caractérisé par un niveau élevé de paix interne plus les probabilités de conflits externes sont faibles. C’est pourquoi l’IEP accorde plus de crédit à l’indicateur de paix interne qu’à l’indicateur de paix externe dans la pondération globale du GPI. Son score est établi sur une échelle de 0 à 5 où le score le plus faible correspond au niveau de paix le plus élevé.

2. Evolution du GPI entre 2008-2013

Entre 2008 et 2013 la situation de paix s’est dégradée dans toutes les régions du monde.

Le score du GPI s’est détérioré de 5% soit en moyenne une dégradation de 1% par an. Parmi les 162 nations, 110 pays ont vu leur niveau de paix se dégrader significativement. Cette tendance à la baisse s’explique par un nombre important de bouleversements sur la scène internationale : les débordements de violence au Moyen Orient causés par le Printemps Arabe ; la dégradation des conditions de sécurité en Afghanistan et au Pakistan ; la guerre civile en Syrie et en Lybie ; la montée des conflits violents liés aux trafics de drogues en Amérique Centrale ; la détérioration de la situation en Somalie, République Démocratique du Congo et Rwanda ; les violentes protestations causées par la crise économique en Europe. Cette détérioration du niveau de paix à l’échelle mondiale est déterminée par trois principaux facteurs:

- l’évolution négative des indicateurs de paix interne  avec la hausse du nombre des conflits civils.

- L’écart entre les pays dominés par des régimes autoritaires et ceux du reste du monde s’est largement amplifié.

-  La montée des protestations violentes dans les pays qui ont subi la crise économique de plein fouet, en particulier la Grèce, ont contribué à la dégradation du GPI.

                  Evolution du score du Global Peace Index 2008-2013

Source: Global Peace Index 2013 Report

Parmi les 22 indicateurs compris dans le GPI, le nombre d’homicides, la perception de la criminalité et la probabilité de manifestations violentes sont les trois indicateurs avec les pires performances entre 2008 et 2013. Au niveau régional, le taux d’homicides s’est réduit significativement en Europe et en Amérique du Nord alors que les régions d’Asie-Pacifique, d’Amérique Centrale et des Caraïbes, d’Amérique du Sud et d’Afrique Subsaharienne affichent les plus faibles performances depuis 2008. On observe également qu’en Europe, au Moyen Orient, en Afrique du Nord, en Russie, en Eurasie et en Asie du Sud, l’indicateur de probabilité des manifestations violentes s’est détérioré largement ces six dernières années. En effet, comme conséquence de la crise économique, l’instabilité financière a provoqué une dégradation significative des indicateurs de paix interne- (notamment celui d’instabilité politique et de probabilité de manifestations violentes)-  en Europe.

Au contraire des indicateurs tels que l’échelle de la terreur politique, le niveau des dépenses militaires (% PIB) et les effectifs de forces armées ont significativement diminué en partie à cause du retrait progressif des opérations militaires américaines en Afghanistan et en Iraq. Ces tendances reflètent une réduction des conflits interétatiques au détriment des conflits intra étatiques, l’exemple le plus significatif étant la Syrie qui comptait en 2012  72 900 morts liés à la guerre civile contre 12 050 en Iraq en 2008. Au cours de ces cinq dernières années les trois pays ayant enregistré les meilleurs progrès en termes de paix sont le Tchad, le Géorgie et Haïti, contrairement à la Syrie, la Lybie et le Rwanda qui ont connu la pire évolution. 

La seule année 2012-2013 a été marquée par deux faits majeurs opposés : d’une part l’intensité croissante des conflits civils internes et d’autre part le déclin de larges conflits interétatiques. La guerre civile en Syrie et ses conséquences géopolitiques, ainsi que les répercussions de la crise économique pour les puissances mondiales sont les principaux déterminants de la détérioration du Global Peace Index, renforçant ainsi la  tendance à la baisse depuis 2008. Cette situation se traduit par la montée du nombre croissant d’homicides, des dépenses militaires (en %PIB) et de l’instabilité politique.

En 2013 les dix premières nations  du classement du GPI considérées comme les pays les plus pacifistes sont principalement des petites démocraties stables issues des pays Nordiques et Alpins.

Au niveau régional :

- L’Europe est sans conteste le continent le plus pacifique, avec un score régional de 1.62, où la plupart des pays ne sont pas impliqués dans des conflits externes et les sociétés sont largement cohésives. Néanmoins depuis la crise de la dette européenne, les pays confrontés à des restrictions économiques sévères, tels que l’Espagne, la Grèce, l’Italie et la France ont vu leurs conditions de paix se dégrader sévèrement.  L’instabilité sociale et politique croissante dans les pays européens s’est fait fortement ressentir avec la montée du chômage des jeunes et du taux de pauvreté. En particulier en Grèce et en Espagne qui sont les pays les plus marqués par la montée des protestations violentes. En 2012 [1] , 55.3%  et 53.2% des 15-24 ans étaient au chômage en Grèce et en Espagne, soit approximativement un jeune sur deux. Ces deux pays se caractérisent également par le taux de pauvreté le plus élevé d’Europe soit 21.8% et 21.4% respectivement. [2]

En effet, par rapport à 2012 on observe une dégradation du GPI résultant d’une détérioration des indicateurs de probabilité de manifestations violentes, de perception de la criminalité, de croissante instabilité politique et du nombre de décès issus de conflits violents. Ainsi l’Espagne est l’un des pays qui a chuté le plus rapidement dans le classement avec une dégradation de 5 rangs, passant à la 27èmeposition au niveau mondial en 2013. De manière générale, malgré la montée croissante des protestations et manifestations dans les pays de la zone euro, celles-ci sont restées largement pacifiques. Cependant, la remise en cause de la légitimité des gouvernements et l’instauration des politiques d’austérité ont contribué à  amplifier le risque d’éclatement d’une crise politique européenne augmentant ainsi la probabilité d’une dégradation du score du GPI des pays de la zone euro pour les années à venir.

- L’Amérique du nord est la deuxième région la plus pacifique au monde avec un score de 1.72. Les Etats-Unis et le Canada enregistrent chacun une amélioration de leur score, principalement liée à la baisse des dépenses militaires (% du PIB) et au retrait des troupes militaires en Iraq et en Afghanistan.

L’Asie-Pacifique est la troisième région la plus pacifique au monde (score régional de 1.91) notamment grâce à la Nouvelle Zélande et au Japon qui occupent respectivement la deuxième et sixième place des 10 nations les plus pacifiques du monde. L’Australie, Singapour, Taiwan et la Malaisie sont également situés dans les 30 premiers pays du classement. Cependant les relations entre pays voisins restent tendues notamment entre la Chine et le Japon concernant la mer de Chine méridionale. Les Philippines, la Thaïlande, le Myanmar sont toujours en proie à des guerres civiles et se situent au plus bas du classement, respectivement 129ème,130ème, 140ème, juste devant la Corée du Nord qui occupe la 154èmeplace du classement mondial.

- En Amérique du Sud (score régional de 2.04) l’Uruguay et le Chili sont les deux pays les plus pacifiques et se caractérisent par des institutions et un Etat de droit solides classés à la 24èmeet 31èmeplace au niveau mondial. L’Argentine se classe désormais au troisième rang au niveau régional (60èmeau niveau mondial), du fait de ces  conflits commerciaux avec les pays voisins.

- L’Amérique Centrale et les Caraïbes atteignent un score de 2.10. Le Costa Rica, situé à la 40èmeplace du classement mondial, reste le pays le plus pacifique même si la situation s’est dégradée au niveau interne. Le Nicaragua, le Guatemala et le Salvador ont également vu leurs scores augmenter légèrement dans le classement du GPI suite à des politiques gouvernementales de lutte contre la violence et les cartels de drogue.

- La région d’Afrique Subsaharienne dont le score régional est de 2.24 a enregistré une nette amélioration dans son classement régional du GPI se situant ainsi au-dessus de la Russie, de l’Eurasie, du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord pour l’année 2013. Faiblement affectée par la crise économique mondiale son nouveau rang reflète principalement ses meilleures performances économiques.  Cependant la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ont vu leurs places chuter en raison des vagues de conflits violents survenues en 2011.

La Russie et l’Eurasie se placent parmi les régions les moins pacifiques du monde avec un score régional de 2.30. L’Ukraine ; le Tadjikistan et la Russie ont vu leurs résultats se dégrader principalement en conséquence d’une hausse de la perception de la criminalité, de la dégradation des relations avec les pays voisins, de la hausse des activités terroristes et du nombre croissant de morts issus de conflits civils.

- Dans les régions du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (score régional de 2.33), les manifestations violentes et l’instabilité politique de certains régimes autoritaires, comme la Tunisie,  l’Egypte et le Yémen, ont entrainé la détérioration de leur score depuis le début du Printemps Arabe en 2011. La Libye est le pays qui a augmenté le plus significativement dans le classement du GPI (145èmeau classement mondial) grâce à l’élection d’un nouveau gouvernement et au renforcement des institutions. La Syrie, toujours en proie à la guerre civile est le pays qui à connu la chute la plus forte en perdant 11 rangs entre 2012 et 2013 atteignant ainsi la 160èmeplace du classement mondial.  Avec une militarisation massive de la population, le regain des attaques terroristes et 70 000 morts, le pays compte aujourd’hui 1.3 millions de syriens réfugiés à l’étranger et 3.8 millions de populations déplacées à l’intérieur des frontières.

- L’Asie du Sud  avec un score global de 2.44 constitue la région la moins pacifique aussi bien au niveau des indicateurs internes qu’externes de paix.  Le Bhutan se place à la première place du classement régional (20ème place du classement mondial) alors que l’Afghanistan et le Pakistan ont vu leur situation se détériorer et se situent maintenant aux derniers rangs soit à la 157èmeet 162èmeplace du classement mondial.

Evolution régionale du Global Peace Index 2008-2013

 

Source: Global Peace Index 2013 Report

L’un des principaux faits stylisés se dégageant de ces tendances concerne les pays de petite ou moyenne population (entre 1 million et 20 millions d’habitants), qui possèdent les niveaux de paix les plus élevés à l’opposée des pays dépassant les 100 millions d’habitants. La gouvernance reste le facteur le plus déterminant en matière de maintient et de promotion de la paix en 2013. Ainsi les pays gouvernés par des régimes anocratiques sont ceux dont la situation de paix s’est dégradée le plus rapidement par rapport à la moyenne mondiale, affichant ainsi le taux le plus élevé d’homicides, de crimes violents, d’importations d’armes et de  populations déplacées et réfugiées. Les 52 pays classés comme régimes autoritaires se situent en Afrique Subsaharienne, au Moyen Orient, en Afrique du Nord et dans les ex-pays de l’Union Soviétique.

3. Le coût global économique de la violence entre 2012-2013

Pour les 162 nations figurant dans le Global Peace Index, l’Institute for Economics and Peace (IEP)  a mis en place une nouvelle méthodologie afin d’estimer le coût global économique de la violence.

Définit par l’IEP comme toutes activités économiques découlant des mesures de prévention et des conséquences en termes de dégâts humains ou matériels de la violence, le coût global économique de la violence est calculé en se basant sur les coûts généraux associés à l’endiguement de la violence en termes de coûts directs et indirects, incluant ceux qui relèvent de la protection et de la prévention de la violence.

Cette nouvelle approche attribue une valeur économique à 13 dimensions distinctes [3] de la violence faisant référence à 10 indicateurs du GPI et trois secteurs clés de dépenses :

- Le nombre de morts liés au conflit interne

- Le nombre de morts liés au conflit externe

- Le niveau de crimes violents

- Le niveau des dépenses militaires

- Le nombre de réfugiés, apatrides et déplacés internes

- Le nombre d’homicides

- L’effectif d’officiers des services de sécurité et de policiers

- L’étendue de la population carcérale

- Les forces de sécurité privées

- Le coût associé au terrorisme

- Le coût économique associé a la perte de production en raison du conflit

- Le coût associé à la menace de la violence

- Le coût associé a la mission de paix des Nations Unies

L’agrégation de tous ces indicateurs permet d’évaluer les bénéfices économiques potentiels d’une économie mondiale plus pacifique.

L’IEP identifie deux catégories de gains économiques résultant d’une amélioration de la paix. La première englobe les bénéfices directs assimilés à l’absence de destruction de capital physique lors de guerres, conflits civils ou violence armée. Cette catégorie prend également en compte la réduction des coûts de prévention de la violence comme la justice, la défense, les dépenses médicales, la perte de salaire suite à un décès ou une incapacité physique mais aussi les services de sécurité privés auxquels font appel les particuliers pour se protéger. La deuxième concerne les bénéfices indirects générés par l’activité économique additionnelle résultant d’une réallocation des dépenses d’endiguement de la violence vers des investissements productifs mais également les gains en termes de salaires et de productivité, en réduisant les pertes humaines et les déplacements de capitaux physique et humain.

L’analyse de l’IEP a principalement porté son évaluation sur la première catégorie de bénéfices directs. Néanmoins certains bénéfices indirects ont également été comptabilisés pour lesquels les données étaient disponibles. Pour la seule année 2012 le coût global économique de la violence s’élève à 9.46 milliards de dollars dont la moitié (4.73 milliards de dollars) découle des coûts directs et le reste des activités économiques supplémentaires qui pourraient être produites si l’on réinvestissait le coût global associé à la violence dans des investissements productifs en infrastructure, éducation et santé. Ceci est l’équivalent de 11% du PIB mondial soit 1,300 dollars par habitant [4] dans le monde et approximativement 75  fois la taille de l’Aide Officielle au Développement qui s’élevait à 125.6 millions de dollars en 2012.

Les dépenses militaires constituent la principale composante du coût global associé à la violence et représentent 51% de l’impact économique par an. Le coût lié aux homicides est la deuxième composante et s’élèvent à 15% du montant total des dépenses d’endiguement de la violence. Elle est suivie des dépenses de police et de sécurité qui représentent 14% des dépenses totales.

Impact Economique Global de l’endiguement de la violence par catégorie de dépenses

 

Source: Global Peace Index 2013 Report

D’après les estimations de l’IEP une réduction de 50% des dépenses liées à l’endiguement de la violence fournirait :

- les fonds nécessaires pour rembourser la dette des pays en développement, estimée à 4,076 millions de dollars en 2010, soit 43% de l’impact économique global de la violence dans le monde

- les 900 millions de dollars nécessaires pour financer le Mécanisme Européen de Stabilité Financière

- les 60 millions de dollars additionnels nécessaires pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Les trois pays qui présentent les dépenses les plus importantes associées à la violence en pourcentage de leurs PIB en 2012 sont la Corée du Nord, la Syrie et le Libéria. En Corée du Nord 70% de ces dépenses sont liées aux dépenses militaires, 10% aux homicides et à la sécurité interne. En Syrie 50% de celles-ci sont associées aux pertes directes de la guerre civile, 16% aux dépenses militaires et 14% à la sécurité interne. En termes absolus, ce sont la Chine, les Etats-Unis et la Russie qui représentent à eux seuls la moitié des dépenses associées à la violence, principalement liées aux dépenses militaires, alors même que leurs populations s’élèvent seulement à 26% de la population mondiale. Aux Etats-Unis la deuxième source de coûts est liée aux homicides s’élevant à 8% des dépenses totales, en Chine ce sont les dépenses de sécurité privée et interne qui sont les composantes les plus importantes, alors qu’en Russie 22% sont attribuées aux dépenses de sécurité interne et d’armements.

En comparant l’évolution du Global Peace Index et les dépenses associées à la violence en proportion du PIB des pays, l’IEP a mis en avant le fait que les nations les plus en paix sont celles dont les dépenses associées à la violence sont les plus faibles en proportion de leur PIB. Cependant cette relation n’est pas universelle étant donné la diversité des pays concernés et la nature de la violence elle-même. Ainsi le Honduras malgré un niveau faible de dépenses militaires présente des coûts très élevés en matière d’homicides à l’opposé du Royaume Uni ou encore de la Corée du Nord dont les dépenses militaires et de sécurité interne sont très élevées.

Cependant, à travers cette estimation, de nombreux aspects de la violence ne sont pas pris en compte et cela principalement à cause du manque de données. Ainsi ne sont pas comptabilisés les coûts associés aux crimes liés aux vols, incendies ou agressions sexuelles ; les services d’assurance et de surveillance contractés comme mesures de prévention ; les pertes en termes de flux d’investissements directs à l’étrangers et de portefeuilles nécessaire aux régions en développement ; les coûts directs et indirects liés à la violence domestique en termes de manque à gagner de salaires, de perte de productivité ou d’emplois mais aussi les coûts psychologiques induits par toutes les formes de violence.

Les dépenses associées au contrôle de la violence constituent un bien public indispensable. Cependant moins une nation alloue son budget à des dépenses liées à la violence plus elle dégage de ressources importantes qui peuvent être employées à d’autres fins dans des secteurs productifs, porteurs de croissance et de développement. Les dépenses liées à la violence ne sont économiquement efficientes que lorsqu’elles parviennent à endiguer la violence en utilisant un montant minimum de ressources. Néanmoins, au-delà d’un certain seuil elles sont susceptibles de limiter la croissance économique d’un pays. D’après l’analyse de l’IEP les pays qui présentent des niveaux de violence et de crimes faibles sont également ceux qui sont caractérisés par un degré moins élevé de mesures de protection. Ces sociétés ont alors atteint un état de « dividende de paix ». Ce concept apparu pour la première fois dans les slogans politiques de Gorges H.Z. Bush et de Margaret Thatcher au début des années 90 repose sur deux hypothèses : d’une part une augmentation des dépenses militaires peut engendrer une réduction du stock des ressources disponibles qui sont allouées vers des investissements plus productifs en capital physique et humain (éducation, santé, recherche et développement) ; d’autre part cette hausse peut également provoquer des distorsions dans l’efficacité de l’allocation des ressources réduisant ainsi la productivité total des facteurs. [5]   D’après Knight, Malcolm, Norman Loayza et Delano Villanueva, dans le cas où ces hypothèses sont empiriquement validées une baisse soutenue des dépenses militaires résultant des progrès réalisés dans la sécurité internationale peut se traduire à long terme par une augmentation du niveau des capacités de production vers des secteurs porteurs de croissance économique. Dans le cas du GPI  le concept de dividende de paix se rapporte aux dépenses d’endiguement de la violence en général qui sont ciblées  à la fois au niveau interne et externe du pays.

Notes:

[1] D’après les chiffres de l’OCDE

[2] D’après les données de l’Observatoire des Inégalités. Taux de pauvreté défini à 60% du revenu médian

[3] Dans cette méthode le Produit Intérieur Brut  par habitant exprimé en Parité Pouvoir d’Achat (PPA) est utilisé comme échelle de comparaison des coûts associés à la violence pour chaque pays afin de prendre en compte les différents niveaux de développement.

[4] PIB par habitant exprimé en Parité Pouvoir d’Achat

[5] Source définition « Dividende de Paix » : Knight, Malcolm, Norman Loayza et Delano Villanueva, (1996), « The Peace Dividend : Military Spending Cuts and Economic Growth », Policy Research Department, Public Economic Departments, Washington D.C.

Bibliographie

- Institute for Economics and Peace, (2013), «The Global Peace Index 2013: Measuring the state of Global Peace», www.economicsandpeace.org

- Institute for Economics and Peace, (2011), «Pillars of Peace: Finding the Attitudes, Institutions, and Structures, most closely associated with Peace»

- www.visionofhumanity.org

- Statistiques de l’OCDE

- Statistiques de l’Observatoire des Inégalités

- Knight, Malcolm, Norman Loayza et Delano Villanueva, (1996), « The Peace Dividend : Military Spending Cuts and Economic Growth », Policy Research Department, Public Economic Departments, Washington D.C.

 

Diplômée du Master Economie Internationale et Développement mention Diagnostic Economique de l’Université Paris Dauphine, Lucia Lizarzarburu évolue actuellement aux Nations Unies au Département des Affaires Economiques et Sociales (DESA) au sein du Policy Coordination Branch (PCB). Ses centres d’intérêts portent particulièrement sur l’Economie du Développement  et l’Amérique Latine, notamment sur les problématiques relatives à l’autonomisation des femmes, le travail des enfants et la reconnaissance des peuples autochtones.

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