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Compétitivité-coût, salaire et coût unitaire de la main d’oeuvre en zone euro : 2000-2012

Résumé :

– L’évolution des coûts salariaux unitaires est un indicateur nécessaire mais pas suffisant de la compétitivité-coût et de la compétitivité-prix d’une économie

– Il est cependant indispensable de relativiser cette évolution en se rapportant au niveau des coûts salariaux unitaires pour mesurer pleinement un regain de compétitivité.

 

Lorsque le concept compétitivité-coût est évoqué, la première chose qui peut venir à l’esprit est « le salaire ». Un pays serait compétitif lorsque les salaires sont bas, et inversement peu compétitifs lorsque les salaires sont trop élevés. Mais ce raisonnement est limité puisque (1) le concept de compétitivité est relié à deux autres paramètres indissociables que sont la productivité horaire du travail et le nombre d’heures travaillées, et (2) la définition retenue du « salaire » est le salaire brut (salaire net + cotisations sociales à la charge de l’employé) auquel on ajoute les charges patronales.

Prenons un exemple. Supposons un pays A où le salaire moyen d’un employé est de 1500 euros net par mois, et un pays B où le salaire moyen d’un employé est de 2500 euros net par mois ? Dans quel pays allez-vous installer votre entreprise ? Il est impossible de répondre à cette question sans davantage de précision sur, au minimum, (1) la productivité horaire des employés de chaque pays, (2) le nombre d’heures travaillées par les employés de chaque pays et (3) les différentes charges fiscales existantes sur le travail. Si dans le pays A les employés ont une faible productivité et la fiscalité sur le travail est importante, alors le pays B peut être une meilleure solution.

L’OCDE propose une définition plus exhaustive des coûts unitaires de la main d’œuvre qui «mesurent le coût moyen de la main d’œuvre par unité produite. Ils sont égaux au ratio entre les coûts totaux de la main d’œuvre et la production en volume ou de façon équivalente, au ratio entre les coûts moyens de la main d’œuvre par heure travaillée et la productivité du travail (production horaire). »

 

L’évolution des coûts salariaux unitaires comme signe de regain de la compétitivité

Un premier graphique, publié fin juillet 2013, est proposé par le FMI pour illustrer le mécanisme qui ferait baisser l’évolution des coûts salariaux unitaires : la croissance de la productivité doit être supérieure à la croissance du coût horaire du travail. Les deux pays étudiés sont la France et l’Allemagne sur la période 1991-2008. L’analyse cible l’évolution de la compétitivité par rapport à une base 100 commune en 1990. La comparaison est donc réalisée selon l’évolution et non le niveau de compétitivité de chaque pays.

En France, les salaires ont augmenté en moyenne au même rythme que la productivité (voir les deux courbes rouges croissantes), d’où une stabilité de l’évolution des coûts salariaux unitaires depuis 1991 qui augmente très légèrement depuis les années 2000.

En Allemagne, la productivité a augmenté au même rythme que celle de la France mais le coût réel du travail a diminué à partir du début des années 2000 avec les réformes Hartz (sur les lois Hartz en Allemagne cf http://www.bs-initiative.org/index.php/analyses-economiques/item/148-la-reforme-du-marche-du-travail-allemand-un-modele-reellement-seduisant-pour-le-reste-de-l%E2%80%99europe), d’où une forte baisse de l’évolution des coûts salariaux unitaires depuis une dizaine d’années.

 

Un second graphique propose une analyse comparative des pays de la zone euro. Il s’agit de distinguer l’évolution des coûts salariaux unitaires sur deux périodes : de 2000 à 2007, puis de 2008 à 2012.

Sur la période 2000-2007, l’Allemagne et l’Autriche (« DEU » et « AUT » dans le graphique) sont les deux seuls pays à avoir connu une baisse de l’évolution des coûts salariaux unitaires (sur le graphique, le point noir est donc en dessous de 0 – l’évolution est négative). Ces pays sont pourtant parmi les derniers à disposer d’une notation AAA sur leur dette souveraine obligataire. A l’inverse, les pays actuellement en difficulté de la zone euro (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne) ont tous connu une forte hausse de l’évolution des coûts salariaux unitaires sur la période 2000-2007. Ce en raison d’une diminution de leurs coûts salariaux unitaires au moyen d’une hausse de leur productivité (par exemple en Espagne) ou d’un gel voire une diminution des salaires (par exemple en Grèce).

La baisse de la variation des coûts salariaux unitaires n’est pas nécessairement favorable à une économie quand bien même il s’agirait d’un signe de regain de compétitivité. C’est le cas en Grèce où des effets récessifs liée à la dévaluation interne ont été observés.  D’autre part une augmentation du salaire réel horaire peut être compensée par une augmentation de la productivité dans les mêmes proportions. Cet effet est observé en France suite à une augmentation du niveau du SMIC légèrement supérieure à l’inflation ou suite à une augmentation des charges sociales. Dans tous les cas, ce qui est important n’est pas uniquement l’évolution des coûts salariaux unitaires mais bien leur niveau. En somme, si l’Allemagne a gagné en compétitivité depuis 2000 tandis que l’Italie en a perdu, rien ne garantit que les coûts salariaux unitaires allemands en niveau soient plus attractifs que les coûts salariaux italiens.

 

La nécessité d’analyser les coûts salariaux unitaires en niveau

Une analyse de Patrick Artus montre ainsi que deux facteurs conditionnent une analyse comparative efficace de la compétitivité de chaque pays en zone euro : (1) le niveau des coûts salariaux unitaires par les taux de change réels au moment de la création de l’euro et (2) la dynamique depuis 1999 de ces coûts salariaux unitaires avec une attention portée sur l’existence ou non de forces de rappel capables de stabiliser ces coûts salariaux unitaires.

Ainsi, les pays les plus compétitifs (en niveau, et non pas en variation) sont actuellement le Portugal, la Grèce et l’Espagne. Surtout, une faible compétitivité est observée en France compte tenu (1) de l’absence de force de rappel, (2) d’une surévaluation du change réel et (3) du niveau de gamme de la production.

 

Conclusion

Les coûts salariaux unitaires permettent d’estimer la compétitivité-coût et indirectement la compétitivité-prix d’un pays. Pour autant, il ne faut pas oublier que l’analyse des prix reste insuffisante, et donc qu’il est essentiel de s’intéresser à la compétitivité hors-prix (image de la marque, innovation, qualité des produits, niveau de gamme).

 

Référence :

– Stats OCDE, « Principaux indicateurs économiques »

– Natixis, “Compétitivité-coûts des pays de la zone euro : situation initiale à la création de l’euro, dynamique ultérieure, existence ou non de forces de rappel », Flash Economie du 15 février 2013, n°155.

– International Monetary Fund, « Euro Area Policies – 2013 Article IV Consultation », IMF Country Report No. 13/231, Juillet 2013.

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