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L’architecture institutionnelle de la réglementation financière internationale (Policy Brief)

 

Actualité : A l’heure où l’agenda politique de Donald Trump semble présager une possible remise en cause des engagements pris suite à la crise en matière de réglementation financière (cf. article de BSI Economics « Déréguler la finance aujourd’hui : gains faibles et risques importants »), il semble judicieux de rappeler le rôle des institutions financières internationales dans la régulation des marchés.

 

Dans un discours du 16 juin 2017, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a affirmé que « le système bancaire et financier est beaucoup plus solide aujourd’hui qu’il y a dix ans, grâce à une coopération internationale sans précédent sur les réformes financières, conduite sous l’égide du Conseil de Stabilité Financière (Financial Stability Board – FSB) et la coordination du Comité de Bâle dans le domaine bancaire, et grâce à l’effort de renforcement remarquable de l’industrie. La finance de 2017 n’est plus celle de 2007, et heureusement ».

La crise financière de 2007-2008 a mis en exergue tant l’interconnexion des marchés de capitaux dans le monde que l’échelle largement nationale de la régulation financière contraignante (en dépit de la coopération et l’élaboration de normes non contraignantes par une diversité de forums internationaux au cours de la seconde moitié du 20e siècle[1]). Les  Or, la globalisation des marchés de capitaux, la fréquence et l’amplitude croissantes des crises financières ont appelé à un renforcement de la coordination internationale et européenne de la régulation du système financier. Dès le sommet du G20 de Londres en avril 2009, une impulsion politique est donnée afin de (i) renforcer la coordination entre les autorités de régulation nationale ; et (ii) élargir les missions et le champ d’intervention des instances de régulation financière internationales, en réaction aux dysfonctionnements structurels des marchés mis en lumière par la crise.

L’architecture institutionnelle de la régulation financière s’organise ainsi de la manière suivante (de l’impulsion politique à l’édiction de réglementations financières contraignantes au niveau européen) :

·         Le G20 : il donne les grandes orientations de l’agenda économique et financier au niveau international.

A titre d’exemple, le G20 de Pittsburgh en septembre 2009 avait décidé de renforcer le système international de régulation financière au travers de : la constitution de fonds propres de grande qualité et l’atténuation de la procyclicité (dans le domaine bancaire) ; la réforme des pratiques de rémunération dans le secteur financier pour soutenir la stabilité financière ; la réforme des marchés de gré à gré de produits dérivés (cf. article de BSI Economics, « Que peut-on attendre de la régulation des produits dérivés ? ») et l’élaboration de plans d’urgence et de règlements spécifiques au niveau international par les établissements financiers d’importance systémique (cf. communiqué du G20 de Pittsburgh).

·         Le Conseil de stabilité financière (FSB – Financial Stability Board: il édicte des recommandations dans un objectif de stabilité financière, évalue les marchés et les risques pesant sur la stabilité financière et surveille l’application effective des normes internationales.

Créé en 2009 et issu du Forum de stabilité financière (FSF, créé en 1999), le FSB regroupe 25 juridictions (représentées par leur ministère des finances, leur banque centrale et leur régulateur financier), des institutions internationales (OCDE, FMI, Banque mondiale) et des normalisateurs internationaux, producteurs de normes non contraignantes (Comité de Bâle, IAIS, OICV). Le mandat du FSB, plus développé que celui de son aîné le FSF, vise à évaluer les risques pesant sur la stabilité financière, coordonner le développement de standards internationaux et encourager leur convergence dans la mise en œuvre via des évaluations régulières. Le FSB est présidé par Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, qui a succédé à Mario Draghi en 2011.

A titre d’exemple, le FSB a défini le cadre applicable aux institutions financières « too-big-to-fail », réformé les marchés de dérivés de gré à gré et coordonné l’identification des entités et des activités dites de shadow banking. Aujourd’hui, il s’exerce également à développer un cadre d’évaluation ex-post des effets économiques des réformes post-crise.

Les membres du FSB s’engagent aussi à se soumettre à des évaluations régulières de leur système de régulation financière via le FSAP (Financial Sector Assessment Program) du FMI, créé en 1999, qui vise à mesurer la stabilité du secteur financier (examen de la résilience des établissements bancaires, tests de résistance, qualité de la surveillance des établissements financiers) et à évaluer le développement du secteur financier (obstacles à la compétitivité et la croissance des institutions financières, qualité des infrastructures de marché).

·         Le Comité de Bâle : il a impulsé, dans le cadre de la supervision bancaire, l’élaboration des standards internationaux non contraignants dans le domaine bancaire dès les années 1970.

Créé en 1974 sous l’égide de la Banque des règlements internationaux, le Comité de Bâle pour lasupervision bancaire (BCBS, en anglais) rassemble une trentaine de juridictions. Il est à l’origine des accords dits de Bâle I (1988), Bâle II (2004) et Bâle III (2010). L’accord de Bâle I a mis en place les ratios de capitalisation bancaire (dont le ratio Cooke) et l’accord de Bâle II a révisé et étendu leur champ. L’accord de Bâle III a constitué la réponse à la crise financière et vise à renforcer le niveau et la qualité des fonds propres (« tier one », « core tier one »), à créer deux ratios de liquidité (à un mois et un an), à mettre en place un ratio de levier et à renforcer le suivi des activités de marché (cf. article de BSI Economics « (In)Stabilité financière, politique macroprudentielle et régulation financière : un vaste chantier »). La réforme de Bâle III, jugée déséquilibrée par l’industrie et certains régulateurs bancaires (notamment européens), a été vivement critiquée depuis la publication des premières mesures en 2010 et le demeure toujours (en particulier dans le cadre de la mise en place d’un potentiel « Bâle IV »).

·         L’Organisation internationale des commissions de valeur (OICV) : elle élabore des standards internationaux non contraignants dans le domaine des marchés financiers.

L’OICV a été créée en 1983 et réunit les autorités de marché de près de 200 juridictions. Elle a pour objectif de promouvoir la coopération en matière de régulation financière afin d’assurer le bon fonctionnement des marchés, leur transparence et leur intégrité ainsi que la protection des investisseurs. Depuis les années 2000, l’OICV a affirmé son activité normative et élabore des standards qui sont aujourd’hui largement repris par les autorités de marché à l’échelle nationale. Elle encourage leur convergence via des revues par les pairs et promeut la coopération multilatérale (via le Multilateral Memorandum of Understanding notamment, qui permet l’échange d’informations et la coopération en matière de supervision des marchés et des intermédiaires).

·         La Commission Européenne : elle agit au niveau européen, le plus contraignant et propose des directives et règlements en matière financière, et agit dans le cadre du système européen de surveillance financière.

Dans ce cadre, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA, en anglais), autorité indépendante créée en 2011, regroupe les autorités de marché des Etats membres de l’Union européenne et vise à (i) élaborer des normes techniques à destination de la Commission européenne en accord avec les directives et règlements, (ii) assurer l’application convergente du droit financier européen et (iii) superviser directement les agences de notation et les référentiels centraux de données.

 

Conclusion

L’architecture institutionnelle de la régulation financière se caractérise par une structure décroissante en termes de contraintes juridiques, des grandes orientations données tous les ans par le G20 aux standards techniques publiés par l’ESMA. La complexité de la réglementation et de la surveillance du système financier a en effet nécessité plusieurs échelons de régulation, dans un objectif de stabilité financière, visant à encourager la coopération internationale et la convergence des normes, tant au niveau international qu’européen.

Les défis pesant aujourd’hui sur le système financier (agenda de Donald Trump, Brexit, taux bas, shadow banking, finance verte, etc.) nécessitent une coopération renforcée. Mark Carney, le président du FSB, l’a d’ailleurs mis en exergue dans sa récente lettre aux ministres des finances du G20 : « A decade on from the start of the crisis, the G20 has made substantial progress in building a financial system that is more resilient and better able to fund households and business in sustainable way. As the global recovery gains strength, now is not the time to risk these hard-won gains ».

 

 


[1] La Banque des règlements internationaux créée en 1930, le Comité de Bâle créé en 1974, l’Organisation internationale des commissions de valeur (OICV) créée en 1983 et l’Association internationale des superviseurs assurantiels (IAIS) créée en 1994. 

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