Que retenir des résultats des tests de résistance publiés par la BCE ?

Le 26 octobre, la BCE a dévoilé les résultats des tests de résistance menés depuis près d’un an. Ces tests menés sur 130 des plus grandes banques, représentant 85% des actifs de la zone euro, ont conclu que 13 banques n’étaient pas suffisamment capitalisées à cette date  (cf tableau en annexe).

Pourquoi ces tests ont-ils été menés ?

Ces tests ont été lancés fin 2013 afin de préparer la mise en place du Mécanisme de Supervision Unique (MSU) le 4 Novembre 2014, au sein de la BCE. A partir de cette date, le MSU est devenu le superviseur unique des 120 plus grandes banques de la zone euro en lieu et place des superviseurs nationaux. Ces tests de résistance servent donc à faire un état des lieux de la santé des banques européennes, quelques années après la crise de la dette européenne, pour donner une vue d’ensemble au MSU et asseoir sa crédibilité de superviseur.

Quels sont ces tests ?

Ces tests ont en fait été menés en 2 étapes par la BCE et l’Autorité Bancaire Européenne (EBA). Tout d’abord une revue globale des actifs (« Asset Quality Review » ou AQR) détenus par les banques a été menée entre février et juin 2014. Cet AQR a été l’occasion pour la BCE d’évaluer la qualité des titres et créances détenus au portefeuille des banques afin d’estimer le risque de pertes inhérentes.

En parallèle de cet AQR, un test de résistance des bilans des banques a été mené entre avril et octobre 2014, en prenant comme base le bilan des banques au 31 décembre 2013 et projetant leur possible évolution entre 2014 et fin 2016. Un scénario de base, reposant sur les prévisions de la Commission Européenne début 2014 a été défini et en parallèle un scénario dit « adverse » a été préparé. Ce dernier fait l’hypothèse d’une récession en zone euro en 2014 et 2015 suivit d’une stagnation en 2016, et d’une inflation fleuretant avec le territoire négatif.

Les 130 banques concernées ont été soumises à ces deux scénarios mais avec un bilan ajusté des résultats de l’AQR qui permettent de gommer les différences comptables existant encore entre les pays de la zone euro.

Quels sont les résultats principaux ?

Le résultat des tests de résistance menés, indiquent que 25 banques sur 130 n’étaient pas assez capitalisées fin 2013 (cf tableau en annexe). Mais en prenant en compte les ajustements menés par les banques en 2014 (réduction du portefeuille d’actif, hausse du capital), seuls 13 banques au 26 octobre 2014 sont toujours sous-capitalisées au regard des tests.

Plus globalement les pays les plus concernés sont l’Italie (4 banques) et la Grèce (2 banques), dont les banques devront encore lever respectivement 3,31 et 2,69 milliards d’euro. Il est très probable que plusieurs de ces banques décident plutôt de fusionner avec d’autres dont le bilan est plus sain.

Quels autres résultats peut-on dégager ?

Malgré le fait que les grandes banques comme Deutsche Bank ou BNP-Paribas aient réussi les tests, la chute de leur ratio de capital est parfois brutale sous le scénario adverse. Deutsche Bank, le groupe BPCE et Commerz Bank perdent plus d’un tiers de leur capital, BNP-Paribas et la Société Générale un quart. Le renforcement des banques est donc loin d’être fini.

Au regard de la situation actuelle, avec une inflation déjà à 0,3% au sein de la zone euro, le scénario adverse du test de résistance peut sembler trop optimiste et ne pas révéler suffisamment les risques portés par les banques en cas de choc macroéconomique. Ceci fait échos aux premiers tests de résistance menés par l’EBA en 2010 et dont la crédibilité avait sérieusement été entachée lorsque des banques ayant passé ces tests s’étaient par la suite retrouvées en difficulté, comme Dexia.

En outre, ces tests ont été menés avec des définitions du « CET1 » ou Common Equity Tier 1 (soit le cœur du capital exigé en provision), qui varient encore selon les pays. Avec le passage à Bâle III, une convergence du périmètre du CET1 est en cours mais les tests de résistance n’ont pas été ajustés de ces différences. Ce sont particulièrement l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie qui sont concernés avec respectivement 32 milliards, 25 milliards et 16 milliards d’euro que les banques de ces pays devront encore lever pour se conformer à terme aux exigences de Bâle III, ce qui module les résultats du test de résistance.

Quels en sont les conséquences ?

Les banques qui ont échoué aux tests devront présenter pour le 9 Novembre des plans de recapitalisation et auront soit 6 mois dans le cas d’un échec au scénario de base, soit 9 mois si elles échouent au scénario adverse, pour le mettre en place.

Les deux principaux objectifs de ces tests étaient de ramener la confiance au sein des marchés du crédit de la zone euro et d’affirmer la crédibilité du nouveau superviseur. Si la réussite de ces objectifs ne pourra être jugée qu’à moyen terme, les résultats le 26 Octobre y participent déjà. La publication détaillée des tests menés va renforcer la transparence et être propice à un retour de la confiance des marchés.

Et si l’on peut critiquer la sévérité des tests qui n’excluent pas tout retour des vieux démons des échecs des précédents tests menés par l’EBA, ils permettent une certaine discrimination de la solidité des banques. En outre la BCE n’a rien à gagner à bousculer des marchés financiers déjà très frileux en cette fin d’année. Toute annonce alarmante concernant une grande banque de la zone euro ne ferait que plomber une reprise déjà très compromise. Il faut aussi souligner que la BCE n’est tout simplement pas prête pour gérer une éventuelle restructuration bancaire. Le Mécanisme de Résolution Unique est encore en train d’être constitué et le fonds de résolution n’existe tout simplement pas. La crédibilité du nouveau superviseur n’est donc pas encore totalement acquise, tant qu’il ne disposera pas de tous les outils nécessaires (cf les trois piliers de l’Union Bancaire).

Apres une thèse en économie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne et un passage à la Banque Centrale Européenne, Guillaume travaille actuellement à la Banque d'Angleterre en temps qu'économiste chercheur. Ses domaines d'intérêts portent principalement sur la liquidité bancaire.

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