Quelles perspectives économiques pour la Moldavie en 2018 ? (Note)

Résumé :

·         La croissance du PIB de la Moldavie a rebondi en 2016, et devrait s’établir à près de 4% en moyenne à moyen terme.

·         La Moldavie fait néanmoins face à plusieurs risques baissiers à court terme : les élections législatives à l’automne 2018 pourraient engendrer un fort dérapage budgétaire, tandis que la croissance des principaux partenaires commerciaux (Roumanie et Russie) pourrait être inférieure aux prévisions et affecter celle de la Moldavie.

·         La régulation et la supervision du système bancaire s’améliore depuis le scandale de 2014, mais d’importants défis demeurent.

·         La reprise de l’aide internationale au second semestre 2016 est une bonne nouvelle pour le pays, mais rappelle sa dépendance.

·         Le climat des affaires s’améliore malgré la persistance de la corruption.

Après avoir enregistré une récession technique en 2015, l’activité économique moldave a rebondi en 2016 (+4 %) grâce à la consommation privée et à la forte hausse de la production du secteur agricole. La croissance du PIB devrait maintenir ce rythme à moyen terme. La Moldavie devrait poursuivre la réorientation de son commerce extérieur vers l’Union Européenne (Roumanie notamment) au détriment de la Communauté des Etats Indépendants (Russie et Ukraine notamment). Le renforcement de la supervision et de la régulation se poursuit suite au scandale bancaire de 2014, mais d’importants défis demeurent. La stabilisation de la situation politique et économique a favorisé la reprise de l’aide internationale, dont la Moldavie est dépendante, et du climat des affaires malgré une corruption endémique. En vue des élections législatives de 2018, les réformes à mener sont nombreuses. Malgré un faible rythme de mise en œuvre, la Moldavie semble néanmoins sur la bonne voie.

1. L’activité a rebondi en 2016 grâce à la consommation privée et aux bonnes récoltes

Après une croissance du PIB de 4,8 % en 2014, la Moldavie a enregistré une récession technique en 2015 (-0,4 %) en raison notamment des mauvaises récoltes et de la baisse de la consommation des ménages ? affectée par la chute des envois de fonds des migrants (16 % du PIB) suite à la crise russe. L’économie moldave a néanmoins rebondi en 2016. La croissance du PIB a atteint 4,0 %, soutenue par la forte hausse de la production du secteur agricole (+18 %, ce secteur représentant 12 % du PIB) et par les augmentations de salaires (+14,8 %)[1] . Par conséquent, la consommation des ménages a été dynamique et les stocks se sont reconstitués, ces deux composantes contribuant au total pour 5,4 pp à la croissance du PIB. A noter également la moindre contraction des envois de fonds des migrants (-6 % contre -30 % en 2015). A l’inverse, les exportations nettes et l’investissement ont pesé sur la croissance (contribution à la croissance du PIB négative de 1,3 pp et 1,1 pp respectivement).

En 2017, la croissance du PIB devrait s’établir à 4,5 % selon le FMI et à 3,8 % en moyenne sur la période 2018-2020, soutenue par la consommation privée. L’augmentation des salaires (+13,2 % au deuxième trimestre 2017 en glissement annuel) et la politique budgétaire plus accommodante profiteraient aux ménages tandis que les exportations seraient soutenues par la reconstitution des stocks suite aux bonnes récoltes de 2016. Par conséquent, la pauvreté devrait refluer mais resterait à un niveau élevée (9,6 % de la population en 2015[2] tandis quel’indice de développement humain (0,699 en 2016) progresserait légèrement.

Graphique 1. La croissance du PIB devrait se stabiliser à moyen terme, en lien avec la dynamique des envois de fonds des travailleurs et de la consommation

Plusieurs risques baissiers pourraient avoir un impact négatif sur l’économie s’ils se matérialisaient :

·         Prévues à l’automne 2018, les élections parlementaires[3] pourraient ralentir le rythme des réformes et se traduire par un dérapage budgétaire significatif ;

·         Les prévisions de croissance des principaux partenaires commerciaux de la Moldavie (notamment Roumanie et Russie) pourraient être inférieures aux prévisions et affecter la croissance de la Moldavie ;

·         Le haut niveau d’émigration et la faible natalité pose un problème de financement des retraites à moyen terme, malgré la récente réforme des retraites ;

·         Par ailleurs, la Moldavie fait face à plusieurs défis : le vieillissement de la population, le réchauffement climatique (engendrant d’importantes sécheresses et inondations depuis 2007) et la soutenabilité de la croissance dans un contexte de faibles gains de productivité et de faible taux d’activité (38 %).

Le taux d’inflation devrait légèrement accélérer en 2017 (+7,3 % en glissement annuel en août) en raison de l’augmentation des tarifs des services publics et de la remontée des prix des matières premières. A moyen terme, l’inflation se maintiendrait dans sa cible (5 % avec une marge de fluctuation de +/-1,5pp), s’établissant en moyenne à 5,4 % en moyenne annuelle sur la période 2018-2020 selon le FMI.

Le déficit du compte courant s’est résorbé, passant de -5 % du PIB en 2015 à -3,4 % en 2016. Mais, en raison du faible niveau des IDE, le déficit du compte courant a principalement été financé par la dette[4] , ce qui représente un risque à moyen terme en raison d’un coût de refinancement qui pourrait être trop élevé. D’autant plus que les importations en valeur sont deux fois supérieures aux exportations, le solde courant étant structurellement déficitaire.

Graphique 2. Les déficits public et courant persisteraient à moyen terme, la dette publique continuerait d’augmenter progressivement

La Moldavie continue d’être relativement affectée par les mesures adoptées par la Russie (11 % des exportations) avec l’embargo ou l’augmentationdes taxes sur les produits agricoles moldaves) suite à l’accord avec l’UE signé en 2014 et entré en vigueur en 2016. Commencé au début des années 2000, la Moldavie a accéléré le processus de réorientation de ses exportations suite aux mesures de rétentions imposées par la Russie. Désormais, les exportations moldaves sont davantage tournées vers l’UE (65 % du total des exportations, +10 % depuis 2013) que la CEI (19 % des exportations, -49 % depuis 2013). La Russie (-55 %) et l’Ukraine (-61 %) sont particulièrement affectées, tandis que la Roumanie profite pleinement de cette réorientation (+21 %, 24,4 % des exportations).

2. La régulation et la supervision du système bancaire s’améliore, mais d’importants défis demeurent

Le secteur bancaire moldave est très petit, comprenant 11 établissements bancaires(trois ont fermé en 2015). La présence étrangère est limitée (4 banques, 26 % du total des actifs). Le taux d’intermédiation bancaire reste faible, l’encours de crédit représentant seulement 26 % du PIB (contre 43 % en Ukraine, 100 en zone euro).

Les deux tiers des actifs sont détenus par trois banques : MAIB (27% du total des actifs bancaires), MICB (20%) et Victoria Bank (17%). Ces trois banques sont sous supervision spéciale de la Banque centrale de Moldavie (BNM) suite à la disparition d’un milliard de dollars fin 2014 (15 % du PIB)[5] . Depuis, MAIB et Victoria Bank ont été placées sous supervision spéciale de la BNM, tandis que MICB est sous administration temporaire de la BNM. Après avoir mené une série d’audits, la BNM a saisi 43 % des actions de MAIB et 6 0% de celles de MICB en raison du manque de transparence de ces actionnaires. Ces actions doivent être revendues sur le marché afin d’attirer de nouveaux investisseurs privés plus transparents. Malgré l’opacité du secteur, les progrès réalisés dans la régulation, la supervision et l’indépendance de la Banque centrale sont tangibles.

La stabilité financière s’est améliorée, bien que les défis restent nombreux. Les dépôts ont augmenté de 10 % en 2016 et le niveau des fonds propres (30 %) est très au-dessus du minimum réglementaire de 16 %. En revanche, la croissance du crédit reste négative malgré une baisse de 10,5 pp du taux directeur de la BNM en 2016, résultant en partie de l’excès de liquidité des banques. Le taux de prêt non-performants (NPL) continue d’augmenter (18 % du total des prêts, prévu en 2017), reflétant la reclassification des prêts suite aux audits menés après le scandale bancaire.

3. La Moldavie reste dépendante de l’aide internationale

Suspendue en 2015 suite au scandale bancaire, l’aide financière internationale (4,6 % du PIB en 2015 selon la Banque mondiale) a repris au second semestre 2016. Les principaux bailleurs sont le FMI, la Banque mondiale, l’UE et la Roumanie.

La Moldavie bénéficie :

(i)            D’un prêt de 150 M EUR octroyé en 2015 par la Roumanie et dont le déboursement a débuté en août 2016 ;

(ii)           D’un prêt du FMI de 150 M EUR sur trois ans octroyé en novembre 2016 ;

(iii)          D’une assistance financière de l’UE d’un montant de 100 M EUR (60 M EUR de prêt et 40 M EUR de dons) approuvée par décision du Conseil en avril 2017,

(iv)         De la présence essentielle de la Banque mondiale qui est actuellement engagée à hauteur de 360 M USD répartis sur neuf projets (éducation, santé, soutient aux entreprises[6] , administration fiscale, routes, agriculture, etc.[7] ). A noter par ailleurs que la Banque mondiale a adopté en juillet 2017 le nouvel Accord de Partenariat 2018-2021 avec la Moldavie. Cet accord soutiendra l’amélioration de la gouvernance économique du pays et des services publics, mais aussi le développement du capital humain.

La reprise de l’aide internationale a permis de libérer le gouvernement des contraintes financières. Plusieurs dépenses d’investissement avaient dû être repoussées, résultant en une baisse de 2 % des dépenses publiques. L’exécution budgétaire (structurellement déficitaire) avait alors été meilleure que prévue (-2,1 % du PIB contre 3,5 % budgété). La reprise de l’aide internationale coïnciderait avec une exécution budgétaire plus accommodante en 2017 : le déficit budgétaire s’établirait à 3,7 % du PIB selon le FMI. La dette publique progresserait légèrement à 40 % du PIB, un niveau très supérieur à celui de 2013 (24 % du PIB).

4. Le climat des affaires s’améliore malgré la persistance de la corruption

La Moldavie se situe à la 44ème place au classement Doing Business 2017 de la Banque mondiale (+3 places par rapport à 2016). Les principales améliorations concernent l’accès à l’électricité, qui reste cependant limité, et le paiement des taxes. A l’inverse, le traitement des permis de construire restent très défaillants, notamment en termes de durée d’obtention (276 jours en moyenne contre 150 dans les pays de l’OCDE).

La corruption persiste, voire s’amplifie. La Moldavie a perdu 20 places en 2016 au classement de l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International, au 123ème rang. Ceci s’accompagne d’une très faible confiance envers les institutions publiques, mais aussi en une érosion de la confiance des investisseurs privés[8] et des organisations internationales. Plusieurs mesures ont déjà été adoptées par le passé, mais la mise en œuvre reste fragile. Une importante réforme du système judiciaire est actuellement menée par le gouvernement afin de rendre les institutions plus indépendante et plus transparente (doublement du salaire des juges, renouvellement de 25 % de leurs effectifs, etc.).

Conclusion

La faiblesse des institutions et de la gouvernance, la petite taille de l’économie et la démographie continuent de rendre volatile la situation à court et moyen terme tandis que le positionnement géographique du pays engendre des incertitudes à long terme. Les défis restent nombreux et importants : lutter contre la corruption, réduire la pauvreté, accroître la gouvernance, l’indépendance et la transparence du secteur public et du secteur bancaire, etc.

La Moldavie semble néanmoins en bonne voie. La situation politique et économique s’est stabilisée depuis 2014 et de nombreuses réformes sont en cours (système judiciaire, secteur énergétique, éducation, administration publique). Par ailleurs, l’économie moldave poursuit sa transition, moins dépendante du secteur de l’agriculture (12 % du PIB en 2016 contre 24 % en 2004), et davantage tournée vers les services (46 %, 40 %) et le commerce extérieur (17 %, 11 %).

Enfin, le dialogue et la coopération entre le pays et les institutions internationales (qui jouent un rôle essentiel dans le pays) seront importants en vue des élections législatives de 2018 et à plus long terme.


[1] Le salaire mensuel moyen s’établit à environ 240 EUR.

[2] Pour mémoire, le taux de pauvreté était de 21,9% en 2010, selon le PNUD. Le seuil de pauvreté correspond à 1,9 USD par jour.

[3] Pour mémoire, l’actuel Premier ministre est Pavel Filip (parti démocrate).

[4] La dette externe a augmenté de 15 pp en deux ans.

[5] Ces trois établissements bancaires ont accordé des crédits pour un montant total d'un milliard de dollars, peu de temps avant les élections législatives du 30 novembre 2014. Les destinataires de ces créditsn'ont pas été identifiés.

[6] Il y a 52 300 entreprises en Moldavie, dont 98,7 % de PME.

[7] Pour exemple, la Banque mondiale mène un projet d’efficacité énergétique dans la capitale (Chisinau) afin de réduire la facture pour les ménages. Entre janvier et mars, un cinquième des dépenses des ménages sont consacrées aux dépenses d’énergie Selon la Banque.

[8] Moody’s note B3 la notation souveraine de la Moldavie (catégorie hautement spéculative).

Diplômé de l'Université Paris-Dauphine et de l'Université de Strasbourg, Edouard Durand est économiste au sein de la Direction Générale du Trésor. Auparavant, il a travaillé au sein du service des études économiques du Crédit Agricole SA et de Coface. Ses centres d'intérêts portent sur les problématiques européennes et le risque pays.

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