Que mesurent réellement les statistiques d’Investissements Directs à l’Etranger ?

Cet article est un résumé non technique du papier rédigé par Julien Acalin (BSI Economics) et Olivier Blanchard disponible ici.

Actualité : Les flux d’investissements directs à l’étranger (IDE) sont généralement perçus comme étant des flux de capitaux relativement stables, procédant de décisions basées sur des facteurs de long terme. Au contraire, les autres flux de capitaux, notamment les flux de portefeuille, sont souvent considérés comme plus volatiles, voire déstabilisateurs. Ainsi, lorsqu’il est question de contrôles des capitaux, le message traditionnel des chercheurs et responsables politiques est de favoriser l’entrée de flux d’IDE dans leur pays, et restreindre les flux de portefeuille.

Dans une étude récente, Olivier Blanchard et Julien Acalin (2016) relèvent cependant trois constats suggérant que les flux d’IDE mesurés dans les balances de paiements recouvrent en réalité une image différente de celle dépeinte plus haut. 

1)      Premièrement, il existe pour plusieurs pays une forte corrélation positive entre les flux d’IDE entrants et sortants du pays au cours du même trimestre, alors qu’on s’attendrait a priori à ce que cette corrélation soit nulle, voire négative. En effet, si un pays apparaît comme attractif aux yeux des investisseurs étrangers, il serait étonnant que les investisseurs domestiques trouvent plus rentable d’investir à l’étranger au même moment. Cette forte corrélation positive, robuste à différents ajustements statistiques, suggère qu’une partie des IDE mesurés correspond à des flux qui transitent par, plutôt que vers, le pays concerné, avec un autre pays pour destination finale.

2)      Deuxièmement, les flux d’IDE entrants dans de nombreux pays émergents augmentent suite à une baisse du taux d’intérêt directeur de la banque centrale américaine (la Fed) durant le même trimestre. Par ailleurs, en lien avec le point précédent, les flux d’IDE sortants de ces pays émergents affichent également une élasticité négative relativement au taux directeur américain (autrement dit, ces flux augmentent/diminuent en cas de baisse/hausse du taux américain). A la différence des autres flux de capitaux, notamment des flux de portefeuille, on pourrait s’attendre à ce que les flux d’IDE soient peu sensibles au taux d’intérêt de la Fed, du moins à court terme. Néanmoins, les flux d’IDE semblent réagir, et plus fortement que les flux de portefeuille, aux changements des taux directeurs américains. Ces deux constats renforcent la conclusion établie au point précédent : une partie des flux de capitaux enregistrés comme flux d’IDE s’apparente en réalité à des flux de portefeuille.

3)      Troisièmement, le taux de taxation moyen des entreprises ainsi que les restrictions sur les flux de capitaux entrants (hors IDE) dans le pays semblent expliquer les corrélations entre les flux d’IDE entrants et sortants du pays au cours du même trimestre évoquées plus haut. Un taux plus faible de taxation des entreprises et des restrictions plus importantes sur les flux de capitaux entrants (hors IDE) entrainent une corrélation plus élevée entre les flux d’IDE entrants et sortants d’un pays. Ces résultats suggèrent qu’une partie des flux d’IDE mesurés correspond à des flux de portefeuille traversant le pays, pour profiter d’une fiscalité plus favorable, et ayant un tout autre pays pour destination finale.

En conclusion, les flux trimestriels d’IDE entrants et sortants d’un pays émergeant répondent au changement du taux directeur américain au cours du même trimestre, sont fortement corrélés entre eux, et cette corrélation est d’autant plus forte que le taux de taxation moyen des entreprises est faible ou que les restrictions sur les flux de capitaux entrants dans le pays sont élevées.  Ces constats, qui ne remettent pas en cause l’impact positif des “vrais” IDE, doivent constituer une mise en garde pour les chercheurs et dirigeants politiques : certains flux d’IDE mesurés ne sont pas de “vrais” flux d’IDE. 

Diplômé d’HEC et de l'Université Paris Dauphine, Julien Acalin évolue au Peterson Institute for International Economics après plusieurs expériences au FMI, à la Banque de France et à la Direction générale du Trésor. Il travaille notamment sur les thématiques macroéconomiques et financières.

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