Chronique de marché - R star, Fat and Flat

Ces dernières semaines ont été l’occasion d’observer de nombreux débats sur le « R-star » aux Etats-Unis, soit le niveau de taux d’intérêt réel neutre pour l’économie américaine. L’écart de production (PIB effectif moins PIB potentiel) est inversement corrélé avec l’écart de taux d’intérêt (taux effectif moins taux réel neutre). Si l’écart de production est plus faible qu’attendu alors la pression inflationniste sera moins forte et l’écart de taux, implicitement le nombre de hausse de taux par la FED, sera également réduit (modèle de Fickle-Wicksell et Laubach-Wiliams). In fine, ces facteurs limiteront le niveau d’appréciation du dollar américain.

Les commentaires des membres du FOMC se sont montrés plus mesurés sur l’évolution du PIB potentiel qui limiterait le potentiel inflationniste à moyen terme, sans toutefois proposer un niveau formel de taux d’intérêt réel neutre. Evans, Président de la FED de Chicago, a souligné l’utilité de fixer une cible d’inflation sous-jacente supérieure à 2 % pour s’affranchir de la nécessité d’être transparent sur le « R-star ». La dépendance des marchés aux annonces des banquiers centraux conduit ces derniers à renouveler leur critère de crédibilité, non plus sur le simple arbitrage entre transparence et opacité, mais également sur le rôle fondamental de leur mandat pour s’affranchir d’un besoin trop important de transparence. La communication conduit le dollar américain. Celui-ci pourrait s’être déjà trop apprécié relativement à l’évolution graduelle de hausse des taux envisagé par la FED. La dépendance aux données macroéconomiques n’est pas seulement conjoncturelle mais structurelle, d’où les débats autour du R*.

Autre débat autour du GRF2S et de ses 4 scénarios possibles : Goldilocks, Reflation, Fat & Flat et Stagflation. (1) Un scénario de Goldilocks conduirait à une hausse de l’activité sans hausse des taux obligataires conduisant les marchés actions à s’apprécier. Les actifs émergents, les valeurs cycliques et celles plus volatiles surperformeraient. (2) Un scénario de Reflation verrait également l’activité s’améliorait mais avec une hausse des rendements obligataires, une amélioration des bénéfices et donc une hausse des marchés actions. Les cycliques et les banques surperformeraient les valeurs défensives, tandis que les marchés européens et japonais surperformeraient celui américain. (3) Un scénario de Fat & Flat se poursuivrait avec une croissance modérée, des bénéfices atones et des rendements obligataires au plus bas. Les émergents se tiennent, le marché américain surperforme. Sectoriellement, les banques et les cycliques sous-performent les défensives. (4) Un scénario de Stagflation mènerait à une forte poussée inflationnistes et des rendements mais sans rebond de l’activité. Les matières premières gagneraient du terrain, les émergents sous-performeraient les marchés développés.

Si plusieurs papiers des banques américaines s’orientent sur un scénario de Fat & Flat pour caractériser la situation actuelle, plus intéressants sont ceux évoquant l’ensemble des mouvements tactiques en portefeuille en fonction de la faiblesse des taux d’intérêt. Les mouvements sont (1) géographiques : (a) la faiblesse des taux favorise les valeurs aux fondamentaux plus solides et favorise donc le marché américain qui a surperformé les autres marchés développés, (b) les marchés émergents ont profité de la faiblesse des taux sur les marchés développés en proposant de meilleur différentiel de rendement ; (2) sectoriels : les marges nettes des banques se sont contractées impliquant une sous-allocation des indices financiers tandis que ceux exposés à la consommation ont sur-performé ; (3) la faiblesse de l’offre notamment sur le segment souverain et des entreprises bien notées en Europe ont favorisé la contraction des taux. Mais l’affaiblissement des rendements obligataires s’est aussi inscrit dans un mouvement de faiblesse des anticipations de dividendes de long-terme en perspective d’une plus faible activité. Trois stratégies ont renforcé cette relation : (1) des stratégies ciblant des actions plus growth (fondamentaux solides) que value (reprise de la valeur de l’actif après une forte correction) et (2) des stratégies ciblant les actions cycliques plus que défensives, et (3) des stratégies ciblant les valeurs les moins volatiles. En somme, des stratégies favorisant les valeurs défensives, moins volatiles au marché et aux fondamentaux plus solides. A défaut de pouvoir acheter du Bund au bon timing, d’avoir su se renforcer en Gilt avant le Brexit et à défaut de se positionner sur une appréciation significative du dollar américain.

BSI Economics est un think tank de réflexion sur l'économie et la finance, créé en 2012, qui contribue à ouvrir et améliorer les débats en mettant au service des décideurs et des citoyens des réflexions indépendantes sur les nouvelles tendances économiques et financières.

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