De la transformation numérique à l’Industrie 4.0

Résumé :

  • Suite aux changements économiques et sociaux qui résultent du développement de l’économie numérique et notamment pour faire face à la concurrence et répondre à des problématiques liées à leur organisation, les entreprises doivent procéder à une transformation numérique.
  • La transformation numérique apporte des avantages pour les entreprises de toute taille et de tout secteur.
  • Le développement de l’économie numérique et son impact sur l’économie mondiale aurait donné lieu à une nouvelle révolution industrielle. Son importance sur l’industrie a entraîné des nouvelles tendances et des nouveaux concepts pour optimiser le fonctionnement des entreprises, c’est le projet de l’industrie 4.0.

Le développement de l’économie numérique, son dynamisme et sa diffusion horizontale dans l’économie, engendre de nouveaux comportements et de nouvelles attentes. Pour faire face à ces mutations, une transformation numérique des entreprises est nécessaire. Cette transformation requiert beaucoup d’adaptation de leur part et elle ne concerne pas seulement un aspect technologique mais nécessite également une transformation des usages, de l’organisation et de la culture.

Il est fort de constater que nous rentrons dans une nouvelle révolution industrielle où la numérisation, l’établissement des réseaux intelligents vont permettre la création d’usines, d’industries et de processus plus intelligents qui vont se traduire par une amélioration de la flexibilité, de la productivité et une meilleure utilisation des ressources matérielles et humaines.

I. Économie numérique : Transformation numérique

La diffusion des nouvelles technologies a entrainé des changements organisationnels qui sont à l’origine de la révolution industrielle numérique. Cette révolution se manifeste par : l’apparition des entreprises « réseau ou étendues1 », l’autonomisation du travail, l’amélioration des processus, les changements de comportements des consommateurs, l’apparition des nouveaux services et produits, le rôle moteur des marchés financiers et l’apparition des nouveaux modes de financements (capital-innovation, crowdfunding etc.), la transformation de la gestion des savoirs et le développement de l’économie collaborative et de l’économie de la connaissance.

Compte tenu de l’importance que l’économie numérique et son développement exerce sur l’économie globale, les secteurs d’activité, les consommateurs et le tissu productif de notre économie qui sont les entreprises, l’adoption des nouvelles technologies est incontournable pour que ces dernières survivent.

Pour faire face à leurs concurrents, pour répondre à des nouveaux besoins et attentes des consommateurs et pour enfin répondre à des problématiques liées à leur organisation interne, les entreprises doivent procéder à une transformation numérique. Cette transformation n’est pas seulement technologique, elle concerne les équipements, les usages, l’organisation et la culture, et exige des entreprises une capacité d’adaptation et anticipation.

Selon le rapport « l’aventure numérique, une chance pour la France »2 les entreprises les plus matures en termes de transformation numérique sont les plus performantes, la connaissance de leur clientèle (grâce à leur stratégies tournées vers le consommateur final) leur permet de proposer des biens et services plus adaptés et ainsi développer leur chiffre d’affaires. De même l’amélioration dans leur processus de production et organisation ont permis un gain de productivité qui se traduit par une baisse ou une maîtrise de coûts. En effet il existe une corrélation entre ITN3, qui est l’indice de transformation numérique, et la croissance du chiffre d’affaires des entreprises. Celles dont l’ITN est le plus élevé, c.à.d. les entreprises les plus matures dans leur transformation numérique, enregistrent une croissance de leur chiffre d’affaires 6 fois plus importante que celles dont l’ITN est faible.

Une enquête4 réalisée sur 505 entreprises de plus de 50 salariés montre que le groupe d’entreprises avec un ITN très élevé a une croissance du chiffre d’affaires annuel de +3,8%, soit six fois plus importante que celle du groupe d’entreprises avec un ITN bas (+0,6%)

Par ailleurs plus l’entreprise est mature en termes de transformation numérique et plus la perception des bénéfices du numérique pour les salariés est forte. La transformation numérique renforce la cohésion sociale en entreprise. Les relations de travail se transforment grâce à des outils et usages numériques. Pour les entreprises il est primordial de développer la culture numérique auprès de leurs salariés par la diffusion des usages et des outils mais aussi par la formation au numérique. Il en résulte amélioration du bien-être des salariés qui sera bénéfique aux entreprises qui feront du numérique un levier de performance.

Lorsqu’on compare un indicateur5 synthétique du bien-être des salariés qui a été construit dans le rapport de Roland Berger et l’ITN, il est observé "qu’une entreprise mature dans sa transformation numérique présente un bien-être des salariés 1,5 fois plus élevé que dans une entreprise faiblement mature dans sa transformation numérique"

Désignée en 2014 par L’Organisation des Nations Unies comme leader européen en termes d’administration numérique la France est 4e dans le monde6.

En termes de transformation numérique de ses entreprises, la France occupe, une place moyenne (8ème place) lorsqu’elle est comparée à 127pays semblables. Un élément de réponse est le décalage qu’existe en France entre l’usage numérique des consommateurs qui semblent l’avoir bien adopté, et l’usage numérique par les entreprises qui peinent à s’adapter aux innovations numériques, et à bénéficier de certains usages. La plupart des entreprises françaises se limitent à des usages basiques. Quelques chiffres illustrent cette situation : 14% des entreprises françaises bénéficient des commandes effectuées à partir des réseaux numériques contre 26% en Allemagne et 65% des entreprises françaises possèdent une page web contre 89% en Suède.

Selon une enquête réalisée par Mc Kinsey entre mai et juin 2014 sur un échantillon de 500 entreprises françaises (325 PME), les principales difficultés rencontrées par les entreprises pour le développement du numérique sont les rigidités organisationnelles ou résistances aux changements, le déficit de compétences numériques (manque de talents), le manque de moyens financiers et le manque d’implication de ses managers.

La croissance des entreprises françaises est fortement liée à leur degré de transformation numérique, le rapport de Strategy consultant et Cap-digital se basant sur l’ITN constate que l’accélération de la transformation numérique pourrait permettre aux entreprises françaises de doubler leur taux de croissance.

II. économie numérique : vers une industrie 4.0

Le développement de l’économie numérique et son impact sur l’économie mondiale a donné lieu à une nouvelle révolution industrielle. Son importance sur l’industrie a entraîné des nouvelles tendances et des nouveaux concepts pour optimiser le fonctionnement des entreprises, c’est le projet de l’industrie 4.08.

Le cloud, internet des objets et intelligence artificielle sont parmi les principales innovations technologiques qui marquent les tendances futures de l’économie numérique et de l’économie mondiale de demain. Ces technologies ont un effet disruptif et sont caractérisées par une croissance exponentielle impactant tous les secteurs et particulièrement l’industrie. Objets connectés, e-santé, voitures intelligentes, entre autres innovations sont le résultat de l’effet disruptif de l’économie numérique.

La 4e révolution industrielle repose sur la numérisation, l’établissement des réseaux intelligents qui vont permettre la création d’usines, d’industries et de processus plus intelligents qui vont ensuite se traduire par une amélioration de la flexibilité, de la productivité et une meilleure utilisation des ressources matérielles et humaines. C’est l’objectif de l’industrie 4.0.

L’industrie 4.0 désigne alors un nouveau mode d’organisation du processus de production traditionnel dans lequel les procédés industriels et les technologies vont permettre l’interaction et la communication entre tous les stades du processus de production et entre tous les acteurs.

Cette nouvelle organisation du processus de production a donné naissance au projet d’usines intelligentes, leur existence est rendue possibles grâce au développement de l’internet des objets et des systèmes de production dits « cyber-physiques » qui permettent de gérer des objets physiques grâce au réseau virtuel, ces usines intelligentes ou « smart factories » sont caractérisées par :

Une communication et interaction optimales entre les différentes postes et outils de travail et les diverses fonctions de la chaîne de valeur. Avec l’utilisation de capteurs communicants il est possible de contrôler à distance la ligne de production, de donner une capacité d’autodiagnostic à l’outil et donc de réagir plus rapidement face à un problème dans le processus productif.

L’utilisation des objets intelligents dans le processus de production et l’intégration des réseaux de partenaires et clients permet à ces usines du futur une meilleure flexibilité en termes de production, de personnalisation de l’offre tout en gardant la performance et la possibilité de production à grande échelle.

Avec l’utilisation de logiciels de réalité augmentée9 il est possible d’optimiser et moderniser la chaîne de production et la formation « virtuelle » des salariés aux différentes tâches.

Son système est organisé selon un réseau de communication et d’échange permanant et instantané, permet de coordonner les besoins et disponibilités en énergie ou en ressources (matières premières) de chaque élément de la chaine de production. De cette manière l’usine intelligente répond aux problématiques d’économie d’énergie et d’emploi de ressources mais surtout crée des nouveaux gains de productivité grâce à cette optimisation des besoins.

Le concept d'industrie 4.0 repose alors sur l'optimisation des processus de production et de gestion de toute la chaîne de valeur d'une entreprise grâce à l'utilisation des technologies numériques qui vont permettre une interconnexion optimale entre objets, services, données et personnes et ce de manière transparente et immédiate.

Conclusion

Le développement de l’économie numérique a propulsé le monde dans une nouvelle révolution industrielle. Elle est considérée comme un vecteur de la croissance, productivité et la compétitivité des états.

Les avancées importantes en termes d’infrastructures numériques ont permis le développement et la diffusion de nouvelles innovations. De plus en plus de technologies changent le quotidien des personnes, modifient les comportements de consommation, les moyens de communication, les modes de vie, et bousculent les stratégies d’entreprises et par conséquent le fonctionnement de tous les secteurs d’activité, c’est l’effet disruptif de l’économie numérique qui entraînent des mutations et provoquent des transformations décisives pour la société et pour l’économie.

Il semblerait que l’économie numérique a des impacts positifs et structurels sur la croissance, les entreprises, et sur la société en offrant des nouvelles perspectives. Les pouvoirs publiques ont conscience qu’une nouvelle révolution industrielle est en marche. Ils doivent soutenir la recherche, fondamentale pour réussir le passage vers une ré-industrialisation de l’économie et doivent aider les entreprises à réussir la transformation numérique nécessaire pour leur survie. En France le plan Nouvelle France industrielle10 va dans ce sens.

1 Les entreprise en réseau (ou encore « étendue ») désigne toute structure virtuelle et organisée d’entreprises qui unissent leurs connaissances et/ou compétences dans le cadre d’une collaboration étroite et solidaire, dans le but de réaliser un seul et même projethttp://www.petite-entreprise.net.

2 «Du rattrapage à la transformation : L’aventure numérique, une chance pour la France », Roland Berger – Strategy Consultants en collaboration avec cap-digital (septembre 2014)

3 Pour plus d’information sur l’indice de transformation numérique, consulter le rapport de Roland Berger.

4Source : entretiens, étude Callson (505 entreprises sondées), analyse Roland Berger

5 Cet indicateur combine la perception des effets du numérique sur : la satisfaction au travail, le sentiment d’implication des salariés et la capacité de dialogue, le niveau de stress, le climat social, l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle et la pénibilité des tâches, la montée en compétences des employés, et l’implication des salariés dans les processus d’innovation.

6http://www.gouvernement.fr/action/le-numerique-instrument-de-la-transformation-de-l-etat

7 Les membres du G8, 3 grands pays émergents (Brésil, Chine et Inde), et deux pays de taille intermédiaire mais importants sur les usages numériques (Corée du Sud et Suède), ce groupe de pays représente 70% du PIB mondial. Mc Kinsey France (Septembre 2014)

8 Industrie 4.0 est l'un des projets clés de la stratégie concernant les hautes technologies du gouvernement allemand, qui encourage la révolution numérique des industries, initié dès 2011. La France s’est inspiré de ce projet avec la présentation en 2014 de 34 plans pour redynamiser le secteur industriel, parmi lesquels le plan « usine du futur » qui a pour objectif d'aider à la modernisation de l'appareil productif des petites et moyennes entreprises. http://www.cegid.fr/industrie/l-industrie-40-est-la-et-pour-longtemps/r1-6253.aspx

9 Réalité augmentée : La réalité augmentée désigne les systèmes informatiques qui rendent possible la superposition d'un modèle virtuel 3D ou 2D à la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel.

10 Pour plus d’information consulter :http://www.economie.gouv.fr/nouvelle-france-industrielle

Bibliographie :

« L’impact de l’économie numérique », Philippe Lemoine, Benoît Lavigne et Michal Zajac, revue Sociétal n°71 (1e trimestre 2011).

« L’Economie numérique et la croissance : Poids, impact et enjeux d’un secteur stratégique », Antoine Arlandis, Stéphane Ciriani, Gilles Koleda,  Document de travail n°24 - COE-Rexecode (Mai 2011).

« Accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France », Mc Kinsey France (Septembre 2014)

« Le numérique déroutant » Bpifrance le LAB (février 2015). http://www.bpifrance-lelab.fr

« Du rattrapage à la transformation : L’aventure numérique, une chance pour la France »,  Roland Berger – Strategy Consultants en collaboration avec cap-digital (septembre 2014)

« La Société de l’information », Nicolas Curien, Pierre-Alain Muet, Rapport pour le Conseil d’Analyse Economique, La Documentation Française (2004).

« TIC et économie numérique : aspects macroéconomiques, fondements théoriques », François Moreau, CNAM.

« Le soutien à l’économie et à l’innovation », Pierre Hausswalt, André Siné, Cédric Garcin, Rapport de l’Inspection Générale des finances, (Janvier 2012).

« Economie Numérique : quel sera l’impact des technologies de rupture », Yannick Hello, Les Echos, (Avril 2015)

Measuring the Digital Economy: A New perspective OCDE, (Décembre 2014).

« Les 4 Parades pour survivre à la disruption numérique », Jérôme Buvat, Les Echos, (Mai 2015).

« Disruption digital : les 5 lignes de rupture de l’entreprise », Jean-Philippe Querard, le Echos, (Mars 2015).

 « L’Ubérisation de l’économie et le grand vertige des élites », Sabine Delanglade, Les Echos, (Février 2015). 

« Transformation numérique : les plus belles initiatives du CAC 40 », Claude Vincent, Florance Bauchard, Isabelle Lesniauk, Stefano Lupieri, Les Echos (Septembre 2014).

« Quand l’innovation disruptive impose sa loi à l’économie », Erick Haehnsen, La Tribune (Mars 2013)

« La France en route vers un nouveau modèle productif », Olivier Passet, Xerfi-Precepta (Mai 2015). http://www.xerficanal-economie.com

« Stratégie et transition numérique : l'expérience de Warner Bros », Emmanuel Durand, Vice-Pésident Marketing Warner Bros, Etude Xerfi-Precepta, (Mai 2015).http://www.xerficanal-economie.com

http://www.economie.gouv.fr/nouvelle-france-industrielle

« Industrie 4.0 : systèmes d’acquisition & réseaux de capteurs sans fil, éléments clés de l’industrie de demain » http://www.hikob.com/

http://www.observatoire-du-numerique.fr/

« Le CeBIT 2015 célèbre la "d!conomy", la digitalisation de la société », Frédéric Therin, Le Point (Mars 2015)

« Industrie du Futur : transformer le modèle industriel par le numérique » http://www.economie.gouv.fr/lancement-seconde-phase-nouvelle-france-industrielle, (Mai 2015).

http://www.lesusinesdufutur.com

« D!conomy : le tiercé gagnant de la croissance exponentielle » Céline Bonniot, Les Echos (Mars 2015).


[1] Dans son livre « Capitalisme, Socialisme et Démocratie », Joseph Schumpeter explique la dynamique des cycles économiques : une innovation majeure engendre une phase de croissance, synonyme de créations d'emplois ; puis certaines entreprises font faillite car leurs techniques ou leurs produits sont devenus obsolètes ce qui provoque une phase de dépression, destructrice d'emplois ; cette phase de difficultés économiques suscite cependant l'imagination créatrice de nouveaux entrepreneurs, donc de nouvelles innovations qui écartent les anciennes et induisent une nouvelle phase de croissance. Source :www.citedeleconomie.fr

La « destruction créatrice ». C’est « la donnée fondamentale du capitalisme et toute entreprise doit, bon gré mal gré, s’y adapter ». La croissance est un processus permanent de création, de destruction et de restructuration des activités économiques. En effet, « le nouveau ne sort pas de l’ancien, mais à côté de l’ancien, lui fait concurrence jusqu’à le nuire ». Ce processus de destruction créatrice est à l’origine des fluctuations économiques sous forme de cycles. Source : le portail de l’économie et finances du ministère de l’économie de l’industrie et du numérique. http://www.economie.gouv.fr

[2] C’est notamment le cas des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) qui dominent le marché numérique au sens large.

[3] « Le numérique déroutant » Bpifrance le LAB (février 2015).http://www.bpifrance-lelab.fr

[4] MOOC : massive open online course ou Formation en ligne ouverte à tous (FLOT)

Diplômée de l'Université Paris-Dauphine en Economie Internationale - Diagnostic économique, Gabriela a occupé le poste d’économiste dans plusieurs secteurs d’activité tels que les télécommunications, l’énergie, la banque , le private equity et l’asset management, à la fois pour le compte des grands groupes internationaux et des associations de lobbying financier. Aujourd’hui, Gabriela évolue en tant qu'économiste en entreprise. En étroite collaboration avec la direction, ses études sont des outils d'aide à la décision, à l’identification d’opportunités et de risques afin de contribuer au meilleur positionnement des offres.

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