☆☆ Pourquoi la BCE a tous les moyens d'atteindre la taille cible de son bilan ?

C’est désormais officiellement acté, la BCE s’est engagée lors de sa dernière conférence de presse à augmenter la taille de son bilan près du niveau qu’il avait atteint en mars 2012, c'est-à-dire 3000 milliards d’euros d’ici juin 2016 [1] .

Certains, notamment un article souvent relayé du blog du Wall Street Journal, font état de doutes sur la capacité technique de la BCE à effectivement augmenter son bilan. Cet article soutient que de tels doutes sont difficilement justifiables, et qu'au contraire, la BCE a toutes les clés en main pour atteindre son objectif.

La BCE augmente son bilan à sa guise, aucune contrainte technique ne limite sa capacité à faire ainsi. En l’occurrence, elle s’est engagée à faire augmenter la taille de son bilan en recourant à deux outils : les prêts aux banques et les achats d’actifs. Comptablement, à chaque prêt aux banques, l’actif de la BCE augmente du poste « créance » ; à chaque achat de titre, l’actif de la BCE augmente du poste « actif X »[2] . Le bilan augmente donc.

L’opération inverse est synonyme de baisse de la taille du bilan. Lorsque la BCE vend des actifs aux banques ou lorsque ces dernières remboursent leurs prêts, le bilan de la BCE diminue.

Premier point : il n’y a aucun risque de baisse significative non anticipée du bilan d’ici juin 2016

En ce qu’il s’agit de la politique récente de la BCE, aucune vente d’actifs et aucun remboursement des nouveaux prêts à long terme accordés (dits "TLTRO") ne vont se produire d’ici juin 2016. La BCE n’a aucune intention de vendre des actifs, cela n’échappe à personne. Mais cela est peut-être passé plus inaperçu: aucune banque en zone euro ne pourra rembourser les fonds acquis lors des prêts TLTRO avant juin 2016. La date pour les remboursements anticipés (volontaires ou non) est en effet fixée à septembre 2016. Un détail qui a son importance.

Egalement, aucun facteur significatif n’a changé depuis l’annonce de la mesure d’augmentation du bilan. La BCE sait que pour atteindre sa cible, elle devra prendre en compte les facteurs qui pèseront naturellement à la baisse sur son bilan dans les prochains mois (remboursements des LTRO de Décembre 2011 et Mars 2012, et moindres emprunts lors des opérations hebdomadaires de refinancement), ce qui portera l’effort total à plus de 1 trillion de facto. Cela n’est pas nouveau, et était donc de facto dans ses calculs au moment de l’annonce.

Deuxième point : la BCE a toutes les clés en main pour augmenter son bilan

L’institution dispose d’une flexibilité technique sur les deux outils que sont les prêts et les achats d’actifs. En ce qu’il concerne les prêts TLTRO, elle a une flexibilité technique dans la mesure où elle peut, en cas d’appétit insuffisant des banques, rendre encore plus attractif ces prêts et donc augmenter leur volume. C’est une option envisagée par de nombreux analystes (voir F. Ducrozet de CA CIB pour des détails ici). En ce qu’il concerne les achats d’actifs, elle a une flexibilité technique dans la mesure où elle peut élargir la gamme d’actifs qu’elle souhaite acheter (les « corporate bonds » étant un choix probable dans un premier temps) s’il s’avère que la profondeur des marchés sur lesquels elle se positionne se révèle relativement insuffisante.

Au final, les seules contraintes qui pèseront sur la BCE concernant l’atteinte de cet objectif seront des contraintes politiques, liées aux positions allemandes conservatrices. La BCE a toutes les clés en main, elle devra simplement peut-être s’autoriser à ouvrir d’autres portes. Nul doute que ces portes s’ouvriront si la crédibilité de l’institution est en jeu.

Julien Pinter

  @JulienP_BSI

Notes:

[1] Ici et dans le reste de cet article, par simplification par BCE nous entendons l'Eurosystème (l'ensemble des banques centrales en Zone euro): c'est sur le bilan aggrégé que porte l'objectif

[2] Le passif augmente à travers le compte courant des banques dans les deux cas

Julien Pinter est chercheur en Economie monétaire à l'Université de Minho. Il était auparavant chercheur invité à l’Université de Harvard et à la Charles University de Pragues. Il est docteur diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur des questions liées aux politiques monétaires, aux régimes de change et à la communication des banques centrales. Il a des expériences de travail à la Banque Centrale Européenne et à la Banque de France en particulier. Il a été visiting researcher à l'Université d'Amsterdam, a travaillé à l'Université de Bruxelles Saint-Louis et étudié à l'Université de Stockholm.

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