Situation des PME et perspectives de croissance en France

Résumé :

- Les entreprises françaises ont su résister à la crise grâce à la consolidation de leur bilan au cours des années 2000

- Le maintien d’une situation financière saine, accompagnée d’une baisse des taux de marge des PME, a été possible en réduisant leur niveau d’investissement

- Malgré des conditions d’accès au crédit très favorables aux PME, il existe une baisse de la demande de crédit expliquée par un manque de confiance de l’évolution des conditions économiques et fiscales en France, ainsi qu’une endogénéïsation des contraintes d’accès au financement bancaire

Les PME françaises représentent 99.8 % de la population des entreprises françaises, près de 60% de la valeur ajoutée et plus de 60% des emplois. Leur représentativité des PME dans le paysage économique français correspond environ à la moyenne européenne. Leur poids dans l’économie nous amène à nous intéresser à leur gestion de la crise économique et à leur développement dans un contexte qui reste difficile en 2013, et resterait, selon les enquêtes semestrielles réalisées par BPIFrance, difficile en 2014.

Le Renforcement des fonds propres des PME dans les années 2000 et son effet sur l’investissement privé

Les PME françaises ont globalement renforcé leurs situations bilancielles au cours de la décennie 2000, notamment les plus petites entités, dont le chiffre d’affaire (CA) est inférieur à 10 M€. Ainsi, le ratio moyen d’autonomie financière (ratio financier rapportant la valeur des capitaux propres au total du bilan) a augmenté de près de 7% entre 2000 et 2012 selon les données Banque de France. Cette solidité financière avant la crise de 2008 a permis aux PME françaises de bien résister à la baisse de l’activité. Cependant, une analyse plus fine de ce phénomène laisse percevoir que les disparités entre les structures financières des entreprises ont augmenté.

Taux de croissance du ratio moyen d’autonomie financière de l’ensemble des PME françaises

Sources : BACH, BSI Economics

Ainsi, l’écart interquartile, qui correspond à la différence entre le premier et le troisième quartile, des ratios d’autonomie financière a augmenté d’environ 6% depuis l’année 2000. Une hétérogénéité croissante peut générer de plus grandes disparités face à l’accès au financement. Ces craintes sont exacerbées par la forte hausse depuis 2008 des défaillances d’entreprises[1] pour atteindre près de 63 000 défaillances en 2013, soit un niveau proche de celui observé en 2009. La plupart des défaillances portent sur des entreprises jeunes, et généralement de petite taille.

Ce renforcement global de la structure bilancielle s’est accompagné d’un fort accroissement de la taille des bilans sur l’ensemble de la période, mais semble s’être stabilisé depuis 2008. Afin de garder une structure financière stable, dans la période 2009-2011,quand l’activité ralentissait brutalement entrainant une baisse généralisée des résultats d’exploitation, les entreprises ont dû renoncer notamment à épargner. L’arbitrage des PME durant la période de ralentissement les a conduits notamment à freiner leurs investissements les plus longs afin de maintenir des bilans équilibrés. Ainsi, selon les données de la Banque de France, les taux d’épargne des PME françaises ont connu la même trajectoire que les taux de marges[2] [3] . Ces derniers, qui correspondent à la part disponible de la richesse à destination de l’investissement, ont augmenté sur la période 2003-2007 mais connaissent un fort recul depuis la crise.

Evolution comparée du taux de marge et du taux d’épargne des PME

Sources : Banques de France, données Fiben, BSI Economics

La baisse des taux de marge depuis la crise les ont conduits en 2012 à leur plus bas niveau depuis le début des années 80 selon l’INSEE. En ce qui concerne les PME, leurs taux de marge en 2012 ont atteint leurs niveaux de 2009, au plus fort de la crise. Cette situation affecte directement leurs taux d’épargne et leurs investissements.

Les conséquences de la baisse de l’investissement privé sur le potentiel de croissance des PME françaises

Cette situation est particulièrement préoccupante pour les évolutions des investissements productifs réalisés par les PME. Ces derniers ont fait l’objet de report, voire d’annulation, au profit d’investissements moins risqués. Selon la banque de France, les investissements réalisés par les PME consisteraient majoritairement dans le renouvellement des capacités de production existantes, et ne seraient de fait pas suffisamment productifs pour améliorer la rentabilité des entreprises à moyen terme.

En effet, la baisse des investissements a pour effet de grever le potentiel de croissance des petites et moyennes entreprises, en rendant plus difficile leur montée en gamme, donc leur présence à l’internationale. Pourtant, les entreprises exportatrices sont, pour 96% d’entre elles, des entreprises de moins de 250 salariés[4] . Le nombre total de PME exportatrices diminue depuis 2002, année durant laquelle la France comptait plus de 122 000 PME exportatrices, pour atteindre en 2012 moins de 115 000 PME.

Les différentes enquêtes de conjonctures sur le moral des dirigeants et chefs d’entreprises laissent percevoir une grande défiance de ces acteurs clés vis-à-vis du contexte économique et fiscal français[5] . Cette aversion au risque que l’on décèle de ces enquêtes récentes ne semble pas montrer d’inflexion de cette tendance. Ce déficit de confiance dans l’amélioration des conditions de marché impacte directement les décisions d’investissements des entreprises. Ce manque d’investissements des entreprises intervient dans un contexte financier pourtant très favorable à l’investissement. En effet, dans le même temps, les conditions d’accès au crédit sont très favorables aux entreprises en général, et aux PME en particulier.

Financer l’investissement privé : conditions d’accès au crédit et évolution de leur octroi

Les conditions d’accès au crédit sont, pour les entreprises françaises, parmi les plus favorables d’Europe. A fin Janvier 2014, la BCE a publié un taux moyen des crédits nouveaux de 1.9%, en dessous de la moyenne de la zone euro[6] . Ces conditions, pourtant avantageuses, ne semblent pas contribuer à la prise de risque des PME qui restent prudentes quant à leur choix d’investissements. La Banque de France relève ainsi que les investissements réalisés par les PME françaises sont des investissements qualifiés de défensifs, c’est-à-dire des investissements qui sont réalisés dans le but de confirmer une position sur un marché, plutôt que de créer de nouvelles opportunités de croissance. Ce sont pourtant bel et bien des investissements audacieux dans l’innovation et la recherche qui permettraient de favoriser leur croissance à moyen terme, et d’emprunter des sentiers de croissance durable. De ce constat, il convient de réfléchir aux causes de ce déficit d’investissement. S’agit-il d’une grande aversion aux risques des entrepreneurs et des dirigeants, ou de l’aversion au risque des banques qui, sous l’effet d’anticipation des contraintes réglementaires, couplé à une anticipation d’une dégradation des performances des entreprises, engendrerait un phénomène de rationnement de crédit.

Il existe de nombreuses études microéconomiques afin de comprendre si ce que nous analysons comme un niveau faible des investissements des PME résulte d’une faible demande de crédit formulée par les entreprises, ou d’un phénomène de rationnement de crédit. Ainsi, la Banque de France observe une baisse de la demande de crédits[7] . Cependant, il convient de noter que, bien que les crédits d’investissement bénéficient d’un fort taux d’acceptation, l’obtention de crédit de trésorerie parait plus difficile. Ainsi, au quatrième trimestre 2013, seul 68% des demandes de crédit de trésorerie ont débouché sur une libération d’au moins 75% des fonds demandés. Selon les banques, la faible demande de crédit est la cause principale du ralentissement de l’évolution des encours dans les petites et moyennes entreprises.

Les études menées par la Banque Centrales Européennes nous permettent d’approfondir l’analyse de cette baisse de la demande de crédit formulée par les PME. Lorsque les dirigeants d’entreprises de PME sont interrogés sur les obstacles à l’obtention de crédit, ils se déclarent de plus en plus dissuadés à demander des crédits et ce majoritairement par les exigences de collatéraux utilisés comme garanties par les banques. Les chefs d’entreprises considéreraient qu’il existe une demande croissante de garanties de la part des banques qui rend de plus en plus difficile l’obtention de crédits. De ce fait, un phénomène d’autocensure des chefs d’entreprises les conduirait à abandonner ou restreindre leurs demandes de crédit. Les chefs d’entreprises auraient dès lors endogénéisé les contraintes d’accès aux financements bancaires, provoquant de fait une diminution de la demande. De plus, les PME françaises restent parmi les plus pessimistes d’Europe quant à leurs anticipations de la conjoncture économique. Ce sentiment, conjugué à leur perception d’une trop grande exigence de banques, joue un rôle négatif sur la demande de crédit formulée par les PME, qui n’est pas compensé par les conditions favorables d’accès au crédit.

Conclusion

La gestion prudente observée par les PME ne permet pas de redynamiser suffisamment  leur activité. Bien que les conditions d’emprunt soient des plus favorables, les anticipations des petites et moyennes entreprises les conduisent à reporter leurs investissements. Cependant, l’investissement est capital pour que les PME grandissent, et s’installent durablement dans le paysage économique international.

Bien que les PME françaises soient solides, nous pouvons craindre que leurs performances ne s’améliorent pas à court terme. Les conséquences sur la croissance économique, compte tenu de leur poids dans l’économie, peuvent ne pas être négligeables. Un retour de la croissance en France semblerait contraint sans une dynamique vertueuse d’investissements audacieux par les PME.

Notes:

[1]  Cf. Données sur les défaillances d’entreprises, Banque de France, Webstat

[2]  Source : Rapport de l’observatoire du financement des entreprises, Janvier 2014

[3]  Rapport entre l’EBE et la valeur ajoutée

[4]  Source : Douane

[5]  Cf. Le baromètre des dirigeants d’entreprise, Vivavoice, CCI France, Les échos, Radio Classique

[6]  Source : BCE – Crédits nouveaux à taux variable supérieur à 1 M€ et dont la période de fixation est inférieur à 1 an.

[7]  Baisse de 2 points de la demande de crédit de trésorerie et de 3 points de la demande de crédit d’investissement entre T2 2012 et T4 2013.

Références:

- « Rapport sur la situation économique et financière des PME », Observatoire du financement des entreprises, Janvier 2014

- « Financement des PME, grands défis, nouvelles voies », Les cahiers du cercle des économistes, Novembre 2013

- « Rapport sur l’évolution des PME », Observatoire des pme, BPIFrance, 2013

- « Survey on the access to finance of small and medium-sized enterprises in the Euro Area », Banque Centrale Européenne, Novembre 2013

Diplômé de l’Université Paris Dauphine en Economie Monétaire et Financière, Pierre-Michel Becquet est analyste à la Société Générale après avoir évolué au sein de l'AFIC comme chargé d'études économiques et financières. Ces centres d’intérêts portent sur le financement des entreprises, l’intermédiation financière et la politique monétaire.

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