Une analyse critique sur la finalisation de Bâle III (Note)

Utilité de l’article : Cet article dresse une analyse critique sur les révisions de la réforme de Bâle III de décembre 2017. Cette analyse critique concerne notamment l’absence de changement de la formule qui permet aux banques de calculer le niveau minimal de fonds propres exigé par le régulateur dans les approches fondées sur les modèles internes (Internal Rating Based - IRB).  

Résumé :

·       Depuis les accords de Bâle I, le régulateur exige des banques de constituer un niveau minimum de fonds propres. Ces fonds propres exigés par le régulateur, appelés autrement « capital réglementaire », permettent aux banques de faire face aux pertes non anticipées et donc non couvertes par des provisions. Il s’agirait de pertes survenues à la suite d’une dégradation brutale de la conjoncture économique. Les accords de Bâle II et de Bâle III ont permis aux banques d’estimer elles-mêmes (via leurs modèles internes) les paramètres « input » de la fonction permettant de calculer ce capital réglementaire.

·       Les révisions de la réforme de Bâle III encadrent et limitent l’utilisation de la part des banques des approches fondées sur les modèles internes pour évaluer leur capital réglementaire (dites « approches IRB »). Cependant, ces révisions ne mettent pas en cause la formule mathématique permettant de calculer ce capital réglementaire en fonction des paramètres de risque de crédit que les banques estiment via leurs modèles internes.

·       Or, les hypothèses du modèle de Gordy-Vasicek sur lequel cette formule se base (portefeuille de crédit parfaitement granulaire et présence d'une seule source de risque commun) sont peu réalistes, ce qui peut avoir pour conséquence la sous-évaluation du capital réglementaire.  

·       De plus, il semble y avoir une confusion dans la pratique entre la notion de probabilité de défaut simple (PD) – probabilité qui n’est pas évaluée pour un état précis de la conjoncture économique – et celle de probabilité de défaut conditionnelle – probabilité évaluée pour un état précis de la conjoncture – or, la distinction des deux probabilités est fondamentale dans le modèle de Gordy-Vasicek.

·       Les solutions suivantes peuvent être envisagées pour renforcer ces faiblesses des réformes de Bâle II et Bâle III  : un stress test spécifique (avec une évaluation de la PD basée sur les données individuelles des contreparties) pour les portefeuilles non diversifiés (i.e. exposés sur une ou peu de contreparties), une généralisation multifactorielle de la formule d'évaluation du capital réglementaire ainsi qu’une révision et une surveillance supplémentaire, de la part du régulateur, des modèles d'estimation de la PD utilisés dans les banques afin que ces modèles soient compatibles avec la définition de ce paramètre de risque dans Gordy-Vasicek.

Les approches IRB permettent aux banques de calculer le niveau minimal de fonds propres exigé par le régulateur en fonction des paramètres de risque de crédit estimés via leurs modèles internes. Ces approches ainsi que la formule mathématique associée permettant de calculer ce niveau minimal de fonds propres (appelée ci-après « fonction d'évaluation du capital réglementaire ») ont été introduites par la reforme de Bâle II et ont été maintenues dans la réforme de Bâle III malgré les différents apports de cette dernière réforme. Les révisions de décembre 2017 de la réforme de Bâle III ont visé à réduire les disparités d'évaluation de l'actif pondéré du risque (RWA)[1] entre les banques, notamment en encadrant et limitant l'utilisation des approches IRB[2] . En revanche, ces révisions ne remettent pas en cause la fonction d'évaluation du capital réglementaire relative à ces approches[3] . Or, cette fonction qui provient du modèle de Gordy-Vasicek est fondée sur des hypothèses qui sont difficilement tenables en réalité (à savoir portefeuille de crédit parfaitement granulaire[4] et existence d’une seule source de risque commun[5]  : la conjoncture économique).  

Premièrement, cette fonction n’est pas adaptée pour les portefeuilles de crédit non diversifiés car elle peut sous-évaluer la perte de crédit de ces portefeuilles. Le risque spécifique[6] de ces portefeuilles n’étant pas dissipé, les stress tests spécifiques sont un bon moyen pour l’appréhender car se focalisent sur la ou les contrepartie(s) sur la(les)quelle(s) un portefeuille est fortement exposé. 

Deuxièmement, la fonction d’évaluation du capital réglementaire en approches IRB ne prend pas en compte la pluralité de sources de risque commun qui peuvent impacter les différents secteurs. Une extension multifactorielle de cette fonction serait nécessaire car permettrait non seulement de prendre en compte plusieurs facteurs de risque commun mais aussi d’appliquer correctement (au sens des définitions de Gordy-Vasicek) et d’une manière plus précise et plus transparente les chocs macroéconomiques des stress tests macro-prudentiels d’EBA/BCE sur des portefeuilles sectoriels.

Enfin, les différentes notions de probabilité de défaut du modèle de Gordy-Vasicek semblent ne pas être toujours bien comprises et bien prises en compte dans la pratique. Une compréhension des fondements de cette fonction serait nécessaire car permettait de mieux comprendre les différentes notions/définitions qui y sont associées et d’obtenir des modèles d’estimation des paramètres de risque de crédit compatibles avec le modèle de base de Gordy-Vasicek.

 

1)            Non-respect des hypothèses de la fonction d'évaluation du capital réglementaire

 

1.1.         Non-respect de l'hypothèse de portefeuille parfaitement granulaire

 

Si le portefeuille de crédit est parfaitement granulaire (i.e. parfaitement diversifié), la perte réelle de crédit de ce portefeuille va converger vers son niveau attendu. Pour les portefeuilles non diversifiés (ou concentrés), la perte de crédit ne converge pas vers son niveau attendu ; elle sera plus élevée si l’évènement de défaut se réalise. Cette différence se traduit par la présence d’un risque spécifique non dissipé qui n’est pas appréhendé par la perte espérée (conditionnelle). La perte espérée (EL) et la perte espérée conditionnelle (correspondant à la perte « inattendue » (UL) lorsque la conjoncture est supposée dégradée) deviennent alors des mesures de risque non pertinentes. Par conséquent, la fonction d'évaluation du capital réglementaire, qui correspond à la fonction d’UL, n'est pas adaptée pour appréhender le risque de crédit de ces portefeuilles[7] .

Bien qu'il existe des mesures réglementaires pour limiter la concentration excessive des portefeuilles des banques (notamment le traitement et le reporting « grands risques »), ces dernières doivent mener des stress tests internes pour évaluer le risque spécifique de crédit de leurs portefeuilles non diversifiés. Ces stress tests permettraient de choquer les paramètres de risque de crédit de la ou des contrepartie(s) sur la(les)quelle(s) la banque est fortement exposée, par rapport à leur(s) risque spécifique.

Le risque spécifique doit provenir de facteurs liés aux fondamentaux financiers de la contrepartie et pas de facteurs de risque commun tels que les variables macroéconomiques. En effet, plus les portefeuilles sont concentrés, plus il est probable qu'ils ne dépendent pas uniquement du risque commun. Le fait de prendre en compte et de stresser uniquement le ou les facteurs de risque commun, comme dans les stress tests macro-prudentiels des autorités (European Banking Authority -EBA) et du régulateur (Banque Centrale Européenne - BCE), n'est donc pas suffisant, voire non pertinent pour les portefeuilles concentrés sur des contreparties peu ou pas cycliques, voire contracycliques.  

Les chocs spécifiques sur les fondamentaux financiers d'une contrepartie peuvent être répercutés sur sa probabilité de défaut simple PD en se servant d'une approche structurelle dérivant de Merton (1974) : il s'agirait de dégrader fortement la valeur de l'actif total de la contrepartie en question et d’évaluer la probabilité de défaut qui en résulte[8] . Un modèle pertinent d’estimation de la PD doit tenir compte non seulement de facteurs de risque commun mais aussi des éléments spécifiques à la contrepartie, ce que les modèles structurels (notamment KMV[9] ) sont en mesure de faire.

Dans le modèle de Gordy-Vasicek, le portefeuille est supposé parfaitement granulaire, par conséquent, la PD moyenne dans le portefeuille (ou le taux de défaut inconditionnel attendu du portefeuille) reflète uniquement le risque commun. Si on suppose que le portefeuille n'est pas granulaire, la PD moyenne doit refléter aussi le risque spécifique non diversifié. En calculant la perte espérée du portefeuille à partir d’une probabilité de défaut moyenne reflétant le risque spécifique[10] , une version modifiée du modèle de Gordy-Vasicek est obtenue.

1.2.         Non-respect de l'hypothèse d'unique facteur de risque commun

 

Le modèle mono-factoriel qui est utilisé actuellement pour calculer le capital règlementaire dans les banques en approches IRB prend en compte une seule source de risque commun : la conjoncture macroéconomique. Dans ce modèle, la perte de crédit maximale est attendue lorsque le facteur de risque commun est à son niveau minimal, c’est-à-dire lorsque la conjoncture économique est fortement dégradée. Étant un modèle mono-factoriel, il ne permet pas l’application de différents chocs macroéconomiques directement sur les facteurs de risque commun, ce qui empêche la répercussion propre de ces chocs sur la probabilité de défaut conditionnelle des contreparties.

Une généralisation multifactorielle de la fonction d’évaluation du capital réglementaire permettrait d’appliquer correctement les chocs des macro-stress tests d’EBA/BCE sur chaque portefeuille sectoriel, en stressant de façon précise et transparente les facteurs de risque commun identifiés comme impactants[11] .

En appliquant les chocs macroéconomiques sur les différents facteurs de risque commun impactants les portefeuilles sectoriels[12], nous répercutons ces chocs directement sur la probabilité de défaut conditionnelle des contreparties relevant de ces portefeuilles, au lieu de les répercuter sur la probabilité de défaut simple (PD) de ces contreparties comme cela est fait actuellement dans les banques à travers leurs modèles internes (ce qui est théoriquement incorrect).

Dans cette extension multifactorielle, il nécessaire de déterminer, pour chaque secteur, les facteurs de risque systématique impactants, leurs poids, ainsi que la monotonie présumée entre la perte de crédit de la banque et chaque facteur de risque pris séparément (c’est-à-dire déterminer a priori pour quel extrême du facteur de risque commun nous sommes censés obtenir une perte de crédit maximale)[13].

L'avantage principal du modèle multifactoriel d'évaluation de la charge en capital est d'inclure tout facteur de risque commun estimé avoir un impact à moyen terme sur les contreparties d’un secteur. Dans ce modèle multifactoriel on considère que les contreparties d'un même secteur devraient a priori avoir une sensibilité égale ou similaire aux mêmes facteurs de risque systématique. Cependant, il faut que les coefficients de sensibilité de chaque secteur soient estimés avec une fréquence régulière correspondant à celle de publication des RWA des banques (en l’occurrence trimestrielle). Le mieux serait que cette estimation soit effectuée par le régulateur (notamment l’EBA ou la BCE au niveau européen), car celui-ci a une visibilité plus complète sur les différents secteurs au niveau d'une zone géographique, et cela éviterait des estimations très différentes entre les banques.

Dans une optique d'économie durable et de système bancaire résilient à long terme, le régulateur peut même aller plus loin lors du choix des facteurs de risque commun et considérer des facteurs qui ont un impact à long terme, tels que les facteurs environnementaux et climatiques, jusqu'ici très peu pris en compte dans la littérature et dans les modèles internes des banques. Cela amènerait à évaluer une charge en capital de long terme (dépassant donc l'horizon annuel actuel) d'un établissement bancaire et donnerait ainsi une meilleure vision de la résilience à long terme du système bancaire.

 

2)            Confusion entre probabilité de défaut simple et probabilité de défaut conditionnelle

 

Dans le modèle de Gordy-Vasicek, la probabilité de défaut conditionnelle est fonction de la probabilité de défaut simple et du seul facteur de risque commun. Cette probabilité est obtenue donc pour une valeur précise du facteur de risque commun : il est supposé que la perte de crédit maximale soit obtenue lorsque le facteur de risque commun est à son niveau minimal. En revanche, la probabilité de défaut simple est inconditionnelle à une valeur précise du facteur de risque commun.

Les modèles à variable qualitative (notamment Logit et Probit) font partie des modèles utilisés par les banques pour estimer les probabilités de défaut simples. Dans l'utilisation de ces modèles, et notamment dans la traduction des scénarios de chocs macroéconomiques des stress tests d'EBA/BCE en variation des paramètres de risque de crédit PD et LGD, il semble y avoir une confusion entre probabilité de défaut simple et probabilité de défaut conditionnelle. Le fait, par exemple, de répercuter un choc macroéconomique sur la probabilité de défaut simple est théoriquement incorrect car ce choc consiste à donner une valeur précise au(x) facteur(s) de risque commun, or cela est incompatible avec l’inconditionnalité de la probabilité de défaut simple dans Gordy-Vasicek. Cette méthodologie serait pertinente seulement si le scénario de stress est jugé comme suffisamment probable pour influencer l’estimation normale de la probabilité de défaut inconditionnelle. En effet, une probabilité de défaut inconditionnelle doit correspondre à la moyenne des probabilités de défaut conditionnelles évaluées à travers les différentes réalisations possibles du(des) facteur(s) de risque commun.

Bien que, en approche IRB, les banques peuvent estimer elles-mêmes les paramètres de risque de crédit (PD, LGD, CCF, M) servant à évaluer le capital réglementaire, une surveillance supplémentaire devrait être menée par le régulateur sur les estimations des probabilités de défaut simples (PD) afin de s'assurer que ces estimations respectent bien la définition de ces probabilités dans le modèle de Gordy-Vasicek. Le régulateur devrait également revoir la méthodologie des stress tests macro-prudentiels d'EBA/BCE dans le cadre de l'évaluation de la charge en capital stressée, afin que les chocs macroéconomiques proposés ne se traduisent pas par un changement de la probabilité de défaut simple (qui est, pour rappel, inconditionnelle au facteur de risque commun dans Gordy-Vasicek) ; la généralisation multifactorielle proposée dans la section 1.2 pourrait être un moyen pour y remédier. 

 

Conclusion

Bien que la finalisation de Bâle III encadre et limite l'utilisation des approches IRB, elle ne remet pas en cause la fonction d'évaluation du capital réglementaire dans ces approches. Or, les deux hypothèses fondamentales de cette fonction sont peu réalistes. De plus, les définitions des différents types de probabilité de défaut (simple et conditionnelle) qui interviennent dans cette fonction semblent mal comprises par les banques et pas prises en compte dans la méthodologie des stress tests macro-prudentiels d'EBA-BCE pour l’évaluation de la charge en capital stressée. Des stress tests spécifiques (avec une évaluation de la PD basée sur les données individuelles des contreparties) serait une solution adaptée pour compenser le manque de granularité des portefeuilles de crédit non diversifiés et pour renforcer ainsi l’efficacité de la règlementation. De plus, une généralisation multifactorielle de la fonction d'évaluation du capital réglementaire permettrait de tenir compte de plusieurs facteurs de risque commun et de répercuter correctement les chocs macroéconomiques sur la charge en capital relative à chaque portefeuille sectoriel. Enfin, une surveillance supplémentaire de la modélisation des probabilités de défaut simples estimées dans les banques serait nécessaire pour s'assurer que la définition de ces probabilités corresponde bien à celle du modèle de Gordy-Vasicek, tout comme une revue de la méthodologie des stress tests macro-prudentiels d'EBA/BCE dans le cadre de l'évaluation de la charge en capital stressée.

 

Annexe

Formule de calcul du capital réglementaire en approches IRB

 

La formule détaillée de calcul du capital réglementaire pour les expositions de crédit (i.e. pour les expositions sur les créances) et pour les dérivés, imposée par le Comité de Bâle II et maintenue par le Comité de Bâle III, pour les approches IRB, est la suivante :

avec :

LGD : Perte en cas de défaut estimée par la banque pour un contexte de downturn (ralentissement économique) ;

PD : Probabilité de défaut simple ou inconditionnelle estimée par la banque. Cette probabilité est censée refléter la moyenne des probabilités de défaut conditionnelles évaluées à travers les différents scénarios du facteur de risque commun (ici la conjoncture économique). Elle correspond en quelque sorte à la probabilité de défaut évaluée pour un contexte économique « moyen ».

EAD : Exposition au défaut, où le coefficient de conversion de la partie hors bilan en équivalent du bilan (CCF) est estimé par la banque.

MAdj : Maturité ajustée.

N[…] : Probabilité de défaut conditionnelle à un contexte économique dégradé (appelé taux de défaut « inattendu »). Cette probabilité est une fonction de répartition de la loi normale centrée-réduite N(0 ;1), où N-1(0.001) valeur de X (ici la conjoncture économique) telle qu’on ait 99.9% de chance de la dépasser : P (X ≤ N-1(0.001)) = 0.001 ; - N-1(0.001) = N-1(0.999), où le signe « - » est dans la formule du modèle de Gordy-Vasicek (cf. formules (6.3) à (7.2) dans Dhima (2019)).

R : Coefficient mesurant le degré de dépendance d’un emprunteur de l’état global de l’économie (i.e. de la conjoncture économique). Il est appelé « coefficient de corrélation » par le régulateur et dans la pratique. Cette terminologie n’est pas tout à fait correcte. En effet, en se référant à Vasicek (2002), R doit correspondre à la corrélation de chaque paire d’expositions dans un même portefeuille de crédit, et √R à l’exposition d’un titre de créance quelconque dans le portefeuille au facteur de risque commun. 

La formule de calcul du capital réglementaire est déduite du modèle de Gordy-Vasicek. Le Comité de Bâle II a effectué quelques extensions à ce modèle : il a introduit notamment une formule fixe pour calculer le coefficient R, la maturité ajustée MAdj et sa formule de calcul, et le facteur multiplicatif. Ces extensions sont conservées par le Comité de Bâle III.

a)     1ère extension liée au calcul du coefficient R (fonction R)

L’expression de N[…] fait appel elle-même à une sous-formule de calcul du coefficient R. En effet, ce coefficient se calcule selon les différents cas de figure suivants :

-         Pour les grandes entreprises (corporates), institutions financières, souverains (chiffre d’affaire annuel S ≥ 50 M€) :

-         Pour les petites et moyennes entreprises (chiffre d’affaire annuel S < 50 M€) :

-         Pour la clientèle de détail (retail) :

Le degré de dépendance des emprunteurs du contexte économique global est donc fonction :

-       du type de contrepartie (souverain, institution financière, grande entreprise, petite ou moyenne entreprise, clientèle de détail) : une entreprise est par exemple plus sensible à l’état global de l’économie qu’un particulier ;

-       de la taille de l’entreprise mesurée par son chiffre d’affaire annuel S : une grande entreprise (S  ≥ 50 M€) est plus sensible à l’état global de l’économie qu’une PME (S < 50 M€) ;

-       du type de produit : on observe par exemple une corrélation historiquement beaucoup plus élevée entre les emprunteurs qui ont souscrit des prêts hypothécaires résidentiels que entre les porteurs de cartes de crédit ;

-       de la qualité de crédit de la contrepartie, mesurée par sa probabilité de défaut simple (PD) : les clients sains sont plus sensibles à l’état global de l’économie que les clients déjà au bord de la faillite, ce qui explique que le coefficient R déterminé par la formule est maximal (24% si on considère la première formule) pour une PD minimale (0%), et minimal (12% si on considère la première formule) pour une PD maximale (100%)

Plus R est élevé, plus la charge en capital calculée est élevée. En effet, plus les emprunteurs sont liés entre eux par une commune dépendance de l’état global de l’économie, plus élevés sont les pics des pertes inattendues pouvant survenir en cas de contexte économique défavorable. Pour des valeurs de pertes attendues (EL) identiques, deux populations différentes d’emprunteurs peuvent présenter des niveaux de pertes inattendues très différentes.

b)     2ème extension liée à la maturité ajustée MAdj

La perte inattendue (UL) fait l’objet d’un ajustement lié à l’échéance (Maturity Adjustement : MAdj). MAdj=1 pour la clientèle de détail (retail), alors qu’elle est fonction de la maturité simple (M) et de la probabilité de défaut simple (PD) pour la clientèle de gros (wholesale) :

MAdj = (1 – 1.5*b)-1(1 + (M – 2.5)*b), avec b = (0.11852 – 0.05478*ln(PD)) 2

Pour M constant, une hausse de la PD fait diminuer MAdj. Cela correspond au fait qu’un client sain a plus de potentiel de dégradation qu’un client déjà au bord de la faillite.

c)     3ième extension liée au facteur multiplicatif

Sur la base d’études quantitatives d’impact (Quantitatives Impact Studies : QIS) réalisées auprès des banques du monde entier, le Comité de Bâle a estimé que la charge en capital telle que déterminée par la fonction K était insuffisante pour atteindre l’objectif de maintien du niveau global de fonds propres du secteur bancaire. Il a ainsi décidé d’introduire un facteur multiplicatif (scaling factor), fixé à 1.06 lors de la publication du dispositif révisé en 2004. Cela signifie que la charge en capital révisée est : K’ = 1.06*K

 

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[1] K / RWA ≥ 8 % Ratio de solvabilité imposé aux banques par la réforme de Bâle II (ce ratio est le même sous Bâle III si nous ne prenons pas en compte le coussin de conservation et le coussin contracyclique), avec K Capital réglementaire, RWA Actif pondéré du risque. Le RWA au titre du risque de crédit se calcule comme suit : RWACrédit = EAD*RW, avec EAD Exposition au défaut, RW Pondération au risque. En approche Standard, les RW sont données par le régulateur en fonction de la catégorie de la contrepartie, de sa notation externe et du type d'exposition. En approches IRB, la RW est calculée via une formule donnée par le régulateur qui est fonction positive de la probabilité de défaut simple (PD), de la perte en cas de défaut (LGD) et de la maturité (M) ; ces paramètres de risque sont estimés en interne par les banques. Nous présentons dans l’annexe les détails de cette formule.

[2] Ces révisions consistent à :

·       renforcer la solidité et la sensibilité au risque de l'approche Standard du risque de crédit (cette approche devient notamment plus granulaire) ;

·       limiter l’utilisation des approches IRB (l'approche IRB avancée a notamment été supprimée pour les expositions sur les entreprises appartenant à des groupes dont le chiffre d’affaires consolidé dépasse 500 millions EUR et les banques et autres établissements financiers) ;

·       mettre en place des planchers ("input floors") pour les paramètres de risque de crédit  estimés en interne (PD en approche IRB fondation ; PD, LGD, EAD en approche IRB avancée), et remplacer le plancher global ("output floor") existant de capital réglementaire de Bâle II par un plancher plus robuste et sensible aux risques fondé sur l'approche Standard révisée de Bâle III (le RWA évalué en approches IRB ne peut être inférieur à 72.5% du RWA évalué en approche Standard).

[3] Cette fonction est donnée par le régulateur et doit être utilisée par les banques en approches IRB pour évaluer le capital réglementaire (en implémentant les paramètres PD, LGD, EAD et M estimés via leurs modèles internes).

[4] Dans l’article de Gordy (2003), cela se traduit par un nombre d’expositions qui tend vers l’infini où aucune exposition n’est dominante par rapport à l’ensemble.

[5] Risque dont la source est macroéconomique et qui impacte la plus grande partie des agents économiques.

[6] Le risque spécifique est le risque provenant de facteurs propres à une contrepartie (par exemple, mauvaise gestion, ou modèle d’activité non efficace qui peuvent entrainer des difficultés financières non liées avec la conjoncture économique).

[7] La perte « inattendue » (UL) correspond à l’espérance de la perte conditionnelle à une conjoncture économique dégradée ; dans les approches IRB de Bâle II/III le capital réglementaire est calibré pour couvrir la perte « inattendue » d’un portefeuille de crédit.

[8] Dans Gordy (2003), l'inconditionnalité de la PD veut dire que la PD n’est pas évaluée à partir d'une valeur précise du facteur de risque commun. La PD est la moyenne des probabilités de défaut conditionnelles calculées pour différentes valeurs du/des facteur(s) de risque commun.

[9] Kealhfer, McQuown & Vasicek

[10] Pour plus de détails sur la modélisation de la PD stressée par rapport au risque spécifique, voir section 2.2 (page 92) dans Dhima (2019).

[11]  Pour plus de détails sur la modélisation, voir la section 3.1 (pages 102-105) dans Dhima (2019).

[12] Cela peut se faire notamment en appliquant les quantiles extrêmes de la loi normale centrée-réduite.

[13]Pour plus de détails sur la méthode de choix des facteurs de risque, l’estimation de leurs poids, la détermination de la monotonie et les résultats obtenus en utilisant le modèle multifactoriel, voir la section 3.2 (pages 105-136) dans Dhima (2019).

Diplômé d'un Master en Monnaie-Banque-Finance et d'un Doctorat en Sciences Économiques à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Julien DHIMA est actuellement consultant et chercheur chez Lamarck Group, dans les domaines du risque de crédit, normes prudentielles et risques ESG, après avoir été analyste en normes prudentielles chez Bpifrance pendant plus de 1 an et demi et consultant en risque de crédit et de contrepartie pendant 5 ans. En parallèle du travail, il continue activement la recherche académique dans le domaine des risques et de la réglementation prudentielle des banques, et s'intéresse particulièrement aux questions environnementales. Julien DHIMA effectue également des formations occasionnelles sur les sujets de réglementation prudentielle des banques (Bâle III et risques ESG) auprès d’AFGES (organisme de formations professionnelles en banque, finance et assurance).

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