Situation du développement des énergies renouvelables dans la transition énergétique (Etude)

Utilité de l'article : cet article permet de faire le point sur le développement des énergies renouvelables dans le cadre de la transition énergétique et d’en comprendre ses enjeux et ses mécanismes. Il pose les bases d’un concept encore peu concret mais qui est au coeur de l’actualité.

Résumé :

  • L’Accord de Paris a fixé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) afin de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés d’ici 2100 ;
  • Un des principaux enjeux réside dans la modification des sources de production d’énergie encore largement dominées par les énergies fossiles et polluantes (34% pour le pétrole ; 23% pour le gaz ; et 28% pour le charbon) ;
  • De nombreux investissements ont été réalisés dans les énergies renouvelables sur la décennie écoulée et devraient permettent d’augmenter la part de ces derniers dans le mix énergétique ;
  • Les objectifs adoptés par l’Accord de Paris sont ambitieux mais ne pourront être atteignables que si le modèle économique actuel arrive à absorber la trajectoire fixée ;
  • Des obstacles demeurent pour assurer une véritable transition énergétique et la trajectoire actuelle dévie des objectifs fixés.

Le développement durable est plus que jamais au cœur des débats internationaux. Si le réchauffement climatique, entres autres, n’est pas un phénomène nouveau, l’urgence de la situation pousse aujourd’hui les Etats et les institutions internationales (AIE, ONU, GIEC[1] , etc.) à tirer la sonnette d’alarme. De nouveaux objectifs ont été engagés lors de la tenue de la COP21 à Paris à la fin 2015 avec pour objectif central de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle d’ici 2100 (les 193 pays engagés se sont ensuite mis d’accord sur la mise en œuvre de l’accord lors de la COP24 en Pologne). La réduction de l’émission de gaz à effet de serre se fera notamment par le développement et la promotion des énergies renouvelables, puisque l’objectif final de ces dernières est de se substituer aux énergies carbonées, majoritaires dans le mix énergétique actuel. Les sources d’énergies décarbonées ont pendant longtemps été utilisées dans un schéma de complémentarité avec les autres sources d’énergie, suivant le mécanisme « d’empilement ». L’enjeu de la transition énergétique est ainsi de permettre aux énergies renouvelables de se substituer aux énergies carbonées et de suivre ainsi une logique de « désempilement ».

La transition énergétique implique un système dans lequel la consommation d’énergie est optimisée, ce qui se fait 1) par la réduction de la consommation d’énergie décarbonée pour un résultat identique et 2) par la promotion des énergies renouvelables. Les enjeux de la transition sont importants pour le climat et la santé et permettra à terme d’assurer l’indépendance énergétique[2] .

1/ Où en est la transition énergétique ? Tendances actuelles et objectifs

Tendances actuelles

Selon les dernières statistiques publiées par BP, en 2017, la consommation d’énergies primaires (i.e. produits énergétiques non transformés) à l’échelle mondiale représentait plus de 13 Mds de tonnes équivalent pétrole (TEP, référentiel pour standardiser les unités de mesure énergétique), soit le double depuis 1973. Le pétrole a absorbé 34% de cette part, le gaz naturel 23% ; le charbon 28% ; le nucléaire 4,5% ; et les énergies renouvelables 11%.

Ce sont notamment les pays hors OCDE (59% de la consommation mondiale) qui ont affiché une croissance importante de leur consommation en énergies primaires sur la décennie 2007-2017, à hauteur de 3% tandis que les pays de l’OCDE (41% de la consommation mondiale) ont enregistré une croissance de - 0,2% sur la même période. Il convient toutefois de préciser que la population des pays hors OCDE représente 83% de la population mondiale et que la plus grande part de la pauvreté mondiale se trouve dans ces pays (leur développement traduisant une consommation énergétique plus importante).

Par région, l’Asie Pacifique absorbe la plus grosse part de la consommation mondiale, avec 42,5% (et une croissance annuelle de 3,5% sur la décennie écoulée), dont plus de la moitié est le fait de la Chine (23,2% de la consommation mondiale) tandis que l’Inde en absorbe 5,6%. L’Amérique du nord est la deuxième région consommatrice d’énergie avec une part de 20,5% (16,5% pour les Etats-Unis ; 2,6% pour le Canada ; 1,4% pour le Mexique). L’Europe absorbe 14,6% de la consommation, avec en premier lieu l’Allemagne (2,5%) et la France (1,8%).

La consommation énergétique primaire de la France est restée à peu près stable sur la décennie 2007 – 2017, à 238 millions de TEP en 2017 contre 260 millions de TEP en 2007. Le mix énergétique de la France est réparti comme suit : 38% provient du nucléaire ; 34% du pétrole ; 16% du gaz naturel ; 4% du charbon ; et 10% des énergies renouvelables.

Evolution de la consommation d’énergie et part du renouvelable

On distingue traditionnellement trois grands secteurs de consommation d’énergie : (i) la consommation électrique, soit 20% de la consommation énergétique totale ; (ii) la consommation du chauffage et du refroidissement (logement, industrie et agriculture) soit 48% de la consommation totale ; et (iii) la consommation des transports soit 32% de la consommation totale.

(i) D’après les chiffres de l’Agence Internationale des Energies Renouvelables (IRENA), sur les 24 800 TWh de demande en électricité, 73,5% proviennent d’énergies non renouvelables et 26,5% d’énergies renouvelables (16,4% hydraulique, 5,6% éolien, 2,2% biologiques, 1,9% de solaire et 0,4% le reste). Selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 70% de la croissance de la demande mondiale d’électricité sera fourni par des énergies renouvelables d’ici 2023, croissance dominée par les photovoltaïques (solaire). Elle permettrait d’atteindre une part de 30% des énergies renouvelables dans la demande d’électricité.

(ii) La part des énergies renouvelables (ENR) dans le chauffage et le refroidissement (près de la moitié de la consommation énergétique mondiale) est de 10% selon l’IRENA. La consommation d’énergie dans ce secteur est le fait à hauteur de 50% de la chaleur utilisée dans les industries et presque autant pour l’habitat (le refroidissement présentant qu’une part marginale de la consommation énergétique). D’ici 2023, l’AIE prévoit que la part des énergies renouvelables pour le chauffage et le refroidissement sera de 12%, croissance tirée par l’utilisation d’énergie solaire ou géo thermiques, de l’énergie électrique (renouvelables) ou de la biomasse (matière organique d’origine végétale, déjà utilisée dans le secteur mais présente des risques pour la santé).

(iii) Seulement 3% de l’énergie consommée dans le secteur des transports l’est avec des ENR (secteur dominé à hauteur de 95% par le pétrole). Ce sont, pour l’heure, les biocarburants (éthanol et biodiesel) qui constituent les ENR dans le transport, suivi de l’électricité. L’AIE estime que la part des ENR dans les transports restera quasi inchangée d’ici 2023 (3,5%). L’Accord de Paris a permis de mettre le secteur dans l’agenda des objectifs climatiques et de lancer ainsi un dialogue sur le sujet. Cela a aussi débouché sur la création en 2017 d’une Alliance pour la décarbonisation des transports, rejoint par 6 pays (dont la France), 6 villes et 8 grandes compagnies du secteur (dont Alstom et Michelin). Par ailleurs cinq pays se sont engagés à ne plus vendre de nouvelles voitures diesel et pétrole (Inde, Pays bas, Slovénie d’ici 2030 et France et Royaume Uni d’ici 2040).

A la fin 2017, la grande majorité des politiques mises en place se sont principalement concentrées sur le secteur électrique (plus de 150 pays se sont engagés), soulignant le retard dans la mise en place de politique sur les secteurs du transport et du chauffage/refroidissement (seul 48 et 42 pays engagés respectivement).

Objectifs

L’accord de Paris encadre les objectifs à atteindre pour éviter que le réchauffement climatique ne soit supérieur à 2° d’ici 2100. Chaque pays participant (193 au total) a présenté sa contribution sur le plan national en marge du sommet, contribution qui s’est par la suite matérialisé en engagement. L’accord exige ainsi aux pays qui l’ont ratifié (actuellement 183 pays), d’actualiser régulièrement les plans climats fournis afin d’assurer un suivi des Etats partis. Par ailleurs, les pays développés ont l’obligation d’appuyer les efforts d’adaptation des pays en développement, ce qui passera par le versement de 100 Mds USD par an à partir de 2020, pour accompagner les pays en développement dans leur transition énergétique. Ces versements transiteront via le Fonds vert pour le climat, créé en 2009. Selon le World Oil Outlook publié par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), 95% de l’augmentation de la demande en énergie primaire d’ici 2040 sera le fait de la consommation des pays en développement, dont 50% pour la Chine et l’Inde. L’Accord de Paris présente toutefois des limites. Les objectifs présentés par les Etats partis ne sont pour l’heure pas suffisants puisque les contributions nationales ne permettront de limiter la hausse du réchauffement climatique qu’à hauteur de 3°C et non pas 2°C, et il n’y a aucune garantie sur la réalisation des objectifs (et aucun mécanisme de sanctions).

Les pays de l’Union européenne ont fixé un objectif de 32% la part du renouvelable dans le mix énergétique à l’horizon 2030. Un cadre pour le climat et l’énergie avait été établi en 2009 avec des objectifs fixés pour 2020, puis prolongé en 2014 sur une période allant jusqu’à 2030 (la part souhaitée du renouvelable était de 27% dans un premier temps avant de la revoir à la hausse à 32% fin 2018). En outre, une part d’énergies renouvelables de 14% est prévue dans le secteur du transport, grâce à l’utilisation de biocarburants (huiles végétales).

Dans son rapport « Global energy transformation : a roadmap to 2050 », l’IRENA vient souligner l’insuffisance des politiques et objectifs actuels pour atteindre un réchauffement inférieur à 2°C. En effet, tandis que l’Accord de Paris vient fixer une part du renouvelable de 25% d’ici 2050, l’IRENA estime que la part devrait être à 65% à cette échéance. Le rapport souligne les efforts consentis pour le secteur électrique, mais réaffirme qu’il est possible d’atteindre un niveau proche des 100% d’énergies renouvelables maintenant qu’il est avéré que les technologies sont disponibles et que le coût est suffisamment bas et continuera de diminuer si les investissements se poursuivent.

Sur les secteurs de l’industrie et du logement (chauffage/refroidissement) et des transports, le recours à la biomasse et à la géothermie doit être privilégié, le premier pouvant fournir près de deux tiers de l’énergie renouvelable pour le chauffage et le carburant. Pour atteindre les objectifs fixés par la COP21, l’investissement total dans l’efficacité énergétique doit augmenter de 30% et représenter 2% du PIB mondial chaque année, investissements qui auront par ailleurs des retombées positives sur le PIB, l’emploi et le bien être selon le même rapport. L’AIE estime pour sa part que d’ici 2040, si les progrès se poursuivent au rythme actuel, la part des énergies renouvelables ne sera que de 18%, une part bien en deçà des objectifs de soutenabilité qui se situent autour de 28% (et à 25% selon les termes de l’Accord de Paris).

Projections pour la France

La France a lancé en 2017 un Grand plan d’investissement (GPI) de 20 Mds euros (24 Mds USD) sur la période 2018-2022 pour accélérer la transition d’investissement. Sur ce montant, près de la moitié (9 Mds euros) sera allouée à l’amélioration de l’efficacité énergétique des logements des ménages modestes et des bâtiments publics ; 4 Mds EUR afin de réduire l’émission de GES liés aux transports (responsable du tiers des émissions de GES) ; et 7 Mds EUR pour financer la hausse de 70 % de la capacité de production d’énergies renouvelables.

Les objectifs de la France sont encadrés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) qui vise une part 32% des renouvelables dans la consommation finale d’ici 2030. Deux plans d’actions ont été mis en place pour atteindre les objectifs fixés à l’issu de la COP21 à Paris : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Le plan d’action national vise un objectif de 27% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici 2023, puis 32 % d’ici 2030, traduisant 15% de renouvelable dans la consommation énergétique des transports, 40% dans la consommation électrique et 38% dans la consommation de chauffage et de refroidissement. Grâce à la baisse des coûts des énergies renouvelables, les dernières centrales à charbon devront être fermées d’ici 2022 et les capacités électriques renouvelables devront doubler d’ici 2028, visant par ailleurs de réduire la part du nucléaire[3] à 50% d’ici 2035 (actuellement 75%).

Toutefois, les investissements en énergies renouvelables restent inférieurs à ce qu’ils devraient être selon les orientations fixées par le PPE et la SNBC, selon le rapport de l’Institute For Climate Economics (I4CE) « Panorama des financements climats » (2018). A titre d’exemple, le déficit d’investissements dans l’électricité renouvelable se situe entre 1,1 Md EUR et 2,3 Mds EUR sur la période 2016-2020, soit plus du quart de ce qui est effectivement investi (4 Mds EUR en 2017). Plus globalement, la France a augmenté ses investissements climat dans l’efficacité énergétique (qui comprend notamment la rénovation des bâtiments et les infrastructures de transports) de 14,4 Mds EUR en 2014 à 19,8 Mds EUR en 2020, tandis que ceux réalisés sur les énergies renouvelables ont stagné, de 6,3 Mds EUR à 6,6 Mds EUR sur la même période.

2/ Modèle économique de la transition énergétique

Investissements

Selon l’IRENA, l’investissement mondial dans les énergies renouvelables a augmenté de 2% en 2017 par rapport à 2016 pour atteindre 279,8 Mds USD, portant à 2 200 Mds USD l’investissement cumulé depuis 2010.

Près de 58% du montant total investi en 2017 a été destiné à l’énergie solaire et 38% à l’énergie éolienne (les investissements se sont donc concentrés presque exclusivement dans le secteur électrique). La Chine reste le principal investisseur à hauteur de 127 Mds USD en 2017, soit le double par rapport à 2013, suivi de l’Europe à 41 Mds USD et des États-Unis à 40,5 Mds USD. Ces investissements ont permis la mise en place de 157 GW d’énergies renouvelables contre 143 GW en 2016, soit une progression de 9,3% tandis que les capacités nettes de production d’énergie fossile supplémentaire ont été de 70 GW.

Types de financement

(i) Le financement d’actifs est la première source d’investissement dans les énergies renouvelables, à hauteur de 216 Mds USD en 2017 (à l’instar du projet solaire de la Chine[4] d’un montant de 65 Mds USD). Plus de la moitié des financements (122 Mds USD en 2017) sont réalisés directement par les entreprises énergétiques (on balance sheet financing) tandis que 45% le sont par financements de projets, c’est-à-dire par un mix entre endettement et apport de fonds propres destinés au projet lui-même. La source de financement des projets provient dans les faits essentiellement d’un endettement auprès des banques commerciales suivi par l’émission d’obligations (« green bonds ») et des banques nationales et multilatérales de développement dans une moindre mesure.

(ii) Les investissements dans les panneaux solaires de petites capacités (inférieur à 1MW) ont représenté 49 Mds USD (+15% par rapport à 2016) et constituent le deuxième type d’investissement dans les ENR. C’est un montant toutefois bien inférieur à la moyenne de la période 2010 – 2014 (65 Mds USD d’investissements annuels en moyenne). Cette baisse est principalement expliquée par la baisse du coût d’installation (voir ci-après) : un dollar investi en 2017 génère beaucoup plus de capacité qu’un dollar investi début de la décennie. A titre d’exemple, le coût moyen en Allemagne par watt pour un système photovoltaïque (solaire) est passé de 3,9 dollars en 2010 à 1,7 dollars en 2017. Cela a permis de doubler les petites capacités installées depuis 2013, à 173 GW en 2017 selon les statistiques de Bloomberg New Energy Finance (+28 GW par rapport à 2016).

(iii) Les investissements réalisés dans la R&D ont augmenté pour la quatrième année consécutive, de 6 % en 2017 à un niveau record de près de 10 Mds USD, croissance expliquée en grande partie par l’augmentation de la part du privé (à 4,8 Mds USD, soit près de 50 % du montant total investit en R&D). L’Europe se présente comme le premier investisseur en R&D en 2017 (2,7 Mds USD) suivi des Etats-Unis (2,1 Mds USD) et de la Chine (2 Mds USD).

Coûts

Ce sont majoritairement les installations solaires et éoliennes qui ont bénéficié des investissements réalisés dans les énergies renouvelables. Cette concentration des investissements dans le solaire et l’éolien est en partie expliqué par une baisse du coût d’installation des panneaux solaires photovoltaïques et des éoliennes : le prix global d’installations solaires a diminué en moyenne de 73 % depuis 2010 et affiche une moyenne de 100 USD par Mwh (les prix varient d’une région à une autre[5] ). Ce niveau de prix devient compétitif à celui des ressources fossiles. Le Renewable Energy Policy Network for the 21st century (REN21) explique cette baisse du coût par i) l’accroissement de la concurrence et de la technologie sur les composants ; ii) la baisse du coût du capital du fait d’une diminution de la perception du risque ; et iii) des appels d’offre à « prix cassés » expliqués par de faibles coûts d’opération dans les pays où les ressources solaires sont abondantes (ça a notamment été le cas en Argentine, Inde, Mexique, etc.).

Politiques publiques

Pour soutenir les projets permettant d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation électrique, 113 pays (UE, Chine, Inde, etc.) ont adopté des systèmes établissant des tarifs de rachat (feed-in tarrifs) pour les producteurs d’énergies renouvelables. Ces tarifs électriques sont fixés à l’avance par les fournisseurs d’électricité (principalement EDF dans le cas de la France), garantis sur une période longue (entre 15 et 25 ans) aux producteurs d’énergies renouvelables. Ce sont généralement à travers des accords d’achat d’électricité que sont encadrées ces opérations. Pour les investisseurs en ENR, ces contrats de long terme offrent une garantie d’achat, une transparence sur les opérations et une prévision plus facile à établir, permettant de diminuer substantiellement le risque et le coût de l’investissement, incitant par ailleurs les investissements dans les ENR et l’atteinte des objectifs de transition énergétique. En 2017, ce sont 113 pays qui ont adopté ce genre de politiques pour inciter l’investissement dans les ENR, selon le REN21. Toutefois, cette méthode présente certains désavantages, notamment la fixation du juste prix de l’unité d’ENR produit. Si ce dernier est trop bas, l’attractivité des projets sera moindre ; s’il est trop haut, les profits seront surélevés et les coûts des ENR aussi. L’expérience a montré qu’il y avait une forte asymétrie d’information sur cette méthode, poussant les gouvernements à trouver d’autres solutions pour favoriser l’essor des ENR.

Un autre système, plus compétitif, d’appels d’offre est mis en place dans 29 pays pour favoriser l’essor des énergies renouvelables, avec des coûts reflétant ceux du marché. Les gouvernements sont en général les émetteurs d’appels d’offre, dans lesquels figurent les capacités nécessaires à installer, la technologie à utiliser et la localisation de l’installation. Les producteurs d’ENR soumettent leurs offres, avec le prix et les capacités qu’ils peuvent produire. Cela permet de faire jouer la concurrence, le gouvernement choisissant les meilleures offres qui permettront de répondre à la demande initiale de capacité (plusieurs offres peuvent être ainsi retenues). En 2017, 29 pays utilisaient le système d’appels d’offre (tels que la France, l’Allemagne, l’Inde, Israël, le Mexique, etc.).

  • Les deux systèmes présentés ci-dessus se complètent à présent, de façon progressive, à savoir accorder aux projets de petite ampleur de bénéficier des tarifs subventionnés tandis que les projets de grande ampleur sont soumis à des appels d’offre public, faisant jouer la concurrence. Ce sont ces subventions qui ont permis le développement d’installation de petites capacités dans de nombreux pays. Un autre système utilisé dans plusieurs pays consiste pour des consommateurs qui génèrent leur propre électricité de vendre ce qu’ils n’utilisent pas sur leur site (fermes ou des écoles par exemple).

D’autres mesures permettent d’accompagner la transition énergétique, notamment via des incitations fiscales et ou des financements publics. Ces mesures peuvent se matérialisées par des crédits d’impôts sur des investissements ou productions, des abattements sur certaines taxes ou des prêts à taux préférentiels. Dans le cas de la France par exemple, il existe un crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) sur les dépenses réalisées pour rendre un logement moins « énergivore » (crédit d’impôt représentant 30% des dépenses engagées pour les rénovations). Elles concerneront principalement l’efficience énergétique, plus que les énergies renouvelables. Un rapport d’information parlementaire sur les outils publics encourageant l’investissement privé dans la transition écologique a été publié en janvier 2019. Il recommande notamment d’estimer les besoins en investissements publics et privés en lien avec la SNBC et la PPE ; placer la fiscalité environnementale au cœur de la réforme fiscale afin de donner un plein effet au « signal-prix » ; conforter et renouveler les mécanismes de soutiens publics des investissements des ménages dans la rénovation énergétique des logements et dans l’acquisition de véhicules propres ; renforcer et accélérer le processus de développement d’une finance verte (transparence sur l’impact environnemental des investissements ; etc.

3/ Obstacles

Selon les experts de l’énergie (AIE, IRENA, I4CE, etc.), les investissements réalisés jusqu’à présent dans les énergies renouvelables risquent de ne pas être suffisants pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Des obstacles demeurent en effet afin de développer plus rapidement les énergies renouvelables dans le mix énergétique.

Malgré leur baisse de coût, les ENR se présentent encore comme un complément aux énergies fossiles, plutôt qu’un substitut.Nous avons vu dans les paragraphes précédents que le coût d’investissement dans l’installation de photovoltaïques ou d’éoliennes avait fortement diminué sur la décennie écoulée et se rapprochait du coût des énergies fossiles. En effet, les prix de production d’ENR et de stockage de ces dernières ont en moyenne été divisés par six entre 2010 et 2018 (de 180 dollars par Kwh à 30 dollars). Ces baisses devraient se poursuivre avec la stimulation des investissements dans la production d’ENR, tandis que les prix des énergies fossiles, en premier lieu le pétrole, seront vouées à augmenter du fait de leurs ressources limitées. Toutefois, comme le souligne l’article la transition énergétique face au tempo de l’horloge climatiquede la Chaire économie du climat de Paris Dauphine, la tendance favorable des prix (hausse des fossiles, baisse des ENR) s’inscrit dans un schéma d’empilement dans lequel les ENR viennent en complément et non en substitut aux énergies fossiles. L’article prend l’exemple du pétrole et montre que lorsque le baril est à un niveau élevé, la consommation des pays importateurs est amenée à diminuer, ce qui est bénéfique au développement des ENR et à la réduction d’émission de CO2, mais les pays exportateurs s’enrichiront malgré tout et pourront investir dans l’extraction de ressources non conventionnelles (pétrole de schiste), provoquant potentiellement une hausse à terme d’émission de GES. A l’inverse, lorsque le prix du baril est bas, il vient directement concurrencer le prix des ENR. Il conviendra alors aux gouvernements de mettre en place des incitations plus fortes pour favoriser les ENR, via par exemple une plus forte taxation sur les produits carbonés (la Suède est un exemple en ce sens), ou encore la mise en place d’un marché de permis, etc. Le rôle du prix est fondamental dans tout marché pour trouver son équilibre, et celui des énergies ne fait pas exception.

Les subventions à l’énergie appliquées dans de nombreux pays, notamment dans les pays producteurs de pétrole, n’incitent pas à investir dans les énergies renouvelables. Les faibles prix à la consommation de produits énergétiques issus d’énergies fossiles (tels que l’essence avec le pétrole ou l’électricité au gaz) provoquent (i) un manque d’incitation à investir dans des énergies décarbonées et (ii) une consommation excessive de ces produits. On retrouve de fortes subventions à l’essence dans la plupart des pays du Golfe, d’Afrique du Nord, d’Asie centrale et d’autres tels que les Etats-Unis. A l’inverse, il peut être aussi difficile d’appliquer de nouvelles taxes sur ces produits, telle que la taxe carbone en France qui suscite toujours une mise en application difficile. Les subventions à l’énergie (notamment sur les énergies fossiles) masquent alors le prix et bénéfice réels d’un projet d’efficience énergétique.

D’autres barrières économiques ou non économiques constituent un frein pour un développement plus rapide des énergies renouvelables. Il existe encore une asymétrie d’information entre les investisseurs et le marché, par exemple sur les tarifs de rachat pouvant parfois être plus élevés que les prix réels du marché, rendant les projets d’investissement moins intéressants. Les pouvoirs publics doivent donner l’impulsion à travers des campagnes d’informations et d’incitations tant pour les consommateurs que pour les producteurs. En effet, pour de nombreux projets d’investissements dans l’efficacité énergétique, les avantages peuvent revenir à ceux qui n’ont pas investi (réduction des GES ou amélioration de la sécurité énergétique par exemple) ; tout comme les investissements polluants cause des dommages à ceux qui n’en bénéficient pas. Il s’agirait donc d’intégrer ces externalités dans les évaluations de projets, ce qui passe en premier lieu par les pouvoirs publics.

Conclusion

Le développement des énergies renouvelables demeure un enjeu climatique mondial mais reste  un processus long et coûteux. Il doit permettre de passer d’un modèle dominé par les énergies carbonées vers un modèle dans lequel la part des renouvelables est majoritaire. Le modèle économique actuel et les technologies disponibles ont permis de rendre une part non négligeable des ENR dans la consommation électrique, mais elle demeure faible dans les secteurs les plus polluants, à savoir les transports et les sources de chaleur dans l’industrie et le logement. L’Accord de Paris signé en 2015 a cristallisé les objectifs climatiques en affichant la volonté de limiter à moins de 2°C le réchauffement climatique, mais les efforts nationaux des pays participants se montrent jusqu’à maintenant insuffisants pour les atteindre. Les efforts devront être multipliés, sur le plan politique, économique et technologique, afin d’atteindre une part d’ENR qui répond aux objectifs de soutenabilité. Au-delà du développement des ENR, la transition énergétique doit passer par l’efficience énergétique, qui se traduit par une baisse de la consommation énergétique par habitant pour un résultat identique.


[1] L’AIE (Agence internationale de l’Energie) a été créée par l’OCDE en 1974 et établie régulièrement des perspectives sur les marchés de l’énergie. L’ONU (Organisation des Nations Unies) a un Programme des Nations Unies pour l’environnement, fixant trajectoire et recommandations à l’échelle mondiale. Avec l’Organisation météorologique mondiale, ce Programme est à l’initiative de la création du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui apporte une expertise (neutre) scientifique et économique sur le réchauffement climatique. Dans son dernier rapport, le GIEC a évalué l’impact d’un réchauffement climatique de 1,5° et les émissions de GES correspondantes.

[2] L’indépendance énergétique est aussi un point important de la transition énergétique. En effet, une économie a constamment besoin d’avoir accès à une source d’énergie bon marché pour assurer son bon fonctionnement. Le phénomène de rareté des énergies fossiles pourrait mener à des prix de l’énergie élevés et pourrait avoir des conséquences stratégiques et militaires.

[3] Le nucléaire est une source d’énergie qui n’émet que presque pas de GES mais sa technologie présente des dangers, d’où la volonté de la France d’en sortir

[4] La Chine a généré 103 Mds USD de financements d’actifs sur son territoire (+14% par rapport à 2016)

[5] Aux Etats Unis par exemple, le prix au Mwh est passé en dessous de 60 USD avant de remonter cette année du fait de l’augmentation des taxes sur le commerce.

Diplômé de l’Université Paris Dauphine en économie internationale et développement, Guillaume Dufour évolue actuellement dans le service économique régionale de l’Ambassade de France à Alger, en qualité d’attaché économique et financier. Il a précédemment travaillé en tant qu’analyste risque-pays pour BNP Paribas. Spécialisé sur les économies émergentes, ses centres d’intérêts portent notamment sur les modes de financement des économies et sur les politiques monétaires.

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